Fleurs tragiques au fusil
"Le Fusil de chasse", du japonais Yasushi Inoué, est un diamant tragique. Ce petit livre est composé de trois récits, trois lettres adressées au même homme par trois femmes: son épouse, sa maîtresse et la fille de celle-ci.
Roman d'amour donc, vibrant et déchirant, mais surtout, parce que l'épouse révèle qu'elle savait tout depuis toujours, roman du mensonge ou plus précisément du secret, de l'obligatoire secret qui transforme la vie en un désert glacé.
Un jour, l'homme a dit à sa maîtresse que tout être abritait un serpent dans son corps. Et il a ajouté: "Il n'y a pas de quoi avoir peur". Pas de quoi ? Le serpent torture et finit parfois par tuer.
Dehors, la nature est sublime de couleurs pures, la gelée peut craquer sous les pas et le sommet blanc des montagnes découper le ciel au rasoir.
Dedans on se trompe même sur son propre mensonge, et il arrive qu'on en meure, car derrière le secret peut s'en cacher un autre, dont on ne se doute pas. Le labyrinthe est infini, on y perd inévitablement, tour à tour, chacun de ses semblables.
Dans ce labyrinthe, l'écriture d'Inoué est d'une admirable clarté. D'une clarté tout compte fait aveuglante, comme le mensonge.
Pourquoi ce titre, "Le fusil de chasse" ? Avant tout parce qu'Inoué voit dans cet objet un symbole de l'isolement de l'être humain.