Il y a plusieurs raisons d’aimer un livre pour enfants quand on n’en est plus un. Pour revivre le frisson de sa lecture vécu petit, pour le bonheur de partager un moment précieux avec nos mômes, et pour le livre lui-même. Le géant de Zeralda remporte la palme dans ces trois catégories. Difficile de dire pourquoi. Les dessins ne sont pas particulièrement « beaux », mais c’est je crois le cas des meilleurs album jeunesse. Les illustrations ne sont pas faites pour être contemplées mais pour raconter l’histoire. Et quelle histoire! Elle n’est pas belle non plus, elle est choquante, immorale, révoltante!
Non seulement le grand méchant de l’histoire n’est pas occis ni même puni mais il épouse carrément la princesse! Et c’est pourtant un vrai méchant, effrayant à souhait, un bouffeur d’enfants. Mais si Zeralda est sa proie, elle n’est jamais sa victime. Nul syndrome de Stockholm. Elle ne soigne pas l’ogre à la manière dont Marlaguette soignait le loup. Elle ne lui sert pas des légumes vapeur mais des plats gourmands bien carnés. Car Zeralda sait aussi manier le couteau: le porcelet qu’elle cuisine pour le Géant était bien vivant la page précédente. Au delà du monstre qui se civilise, c’est je crois ce que raconte le livre : nos marmots craignent le loup mais partagent avec lui le goût pour le jambon; nos petits chaperons rouges finiront par épouser le loup. Nos petites princesses sont de futures ogresses.