Avec un style d'écriture simple et allant droit au but, Alice Coffin sait tourner excellement au ridicule le comportement de ces hommes qui, parce ce qu'ils pensent avoir l'apanage de la neutralité, se permettent d'évincer les femmes et les lesbiennes des milieux d'instruction même lorsque les sujets abordés les concernent directement. Ce livre est surtout éclairant par rapport au milieu du journalisme média que l'autrice connaît sur le bout des doigts. De ce fait, il peut paraître un peu dense quand on n'y est pas familiarisé.


Il y a certains sujets qui, je trouve, n'ont pas été assez abordés, à l'instar des problématiques de classe et de genre, l'autrice se concentrant beaucoup sur le sexe (ce qui peut être un parti pris). Bien que ca puisse être pertinent, il y a donc des angles morts.


Dans la première partie du livre, il y a un aperçu sur le monopole des hommes dans les arts.

Croiser l'axe du genre avec le fonctionnement social bourgeois aurait permis d'amener des arguments plus percutants et plus justes. En effet, je doute que les masculinités subordonnées et marginalisées soient celles qui soient les plus représentées et donc dominantes dans le monde de l'art en général (voir travail de la sociologue australienne Raewin Connell). Les exemple donnés ne parlent d'ailleurs que du milieu du cinéma et du showbiz, avec comme figure de proue Polanski.

Ce n'est pas qu'une question d'entre-soi masculin ; il y a aussi la question de la classe.

La position de pouvoir que ces hommes détiennent à aussi à voir avec la classe sociale dans laquelle ils sont nés.


D'autres choses m'ont posé problème dans les expressions utilisées. "Ca pue la testostérone" me paraît être puéril pour un ouvrage qui se targue de vouloir critiquer la place qu'occupent les homme socialement. S'en prendre aux hormones, à la biologie est un piège un peu facile qui sent l'essentialisme à plein nez.


Ensuite, Coffin explique ne pas s'en prendre aux femmes "même si elle est en désaccord avec elles, même si elles cherchent à me nuire" ; pardon ? Allant dans ce sens, une femme qui est un ennemi politique notoire pour d'autres personnes ne mériterait elle pas d'être contredite ? Une femme, imprégnée de ses privilèges, qui en a peut-être même plus que certains hommes, on devrait laisser passer ses interventions sous le simple motif que c'est une femme ?

Le fait de citer Christine Delphy me laisse perplexe et me questionne sur le réel positionnement politique de l'autrice.


A titre personnel, je trouve que cette notion de sororité brandie à tout va est un poison qui vient du féminisme libéral, et qui commence à gangrener les autres types de féminismes : marxiste, intersectionnel...je ne pense pas qu'il faille être sorore au point de laisser des catégories sociales entières se faire marcher dessus par des femmes (racistes par exemple).


Enfin, je trouve que le chapitre sur la placardisation à la française est le meilleur, et explique bien en quoi cet universalisme "on s'en fiche de votre homosexualité, vous n'êtes pas un étendard" efface la possibilité d'un journalisme engagé et réellement représentatif. Il y a beaucoup de références culturelles et de citations intéressantes, et c'est ce que je retiendrais de ce livre.

p0mkanel
6
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le 6 févr. 2025

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