Au fil des dix nouvelles que compte ce recueil, Georges-Olivier Chateaureynaud nous invite à découvrir son univers, sa vision du fantastique. Il reçut en 1982 le Prix Renaudot pour son roman « La Faculté des songes ». Plus récemment, il fut récompensé du Grand Prix de l'Imaginaire lors des Utopiales 2008 pour « L'Autre rive ». Il est de ceux qui relancèrent l'intérêt pour la nouvelle en France.

Dans « Le Styx », il nous présente un homme à qui son médecin annonce la mort. Il va donc lui falloir organiser ses obsèques tout en ménageant au maximum sa famille dans le deuil. Les préparatifs et la cérémonie sont à la fois d'une grande drôlerie, mais également d'une tendresse incroyable. La plume de l'auteur ne s'égare pas et sait frapper juste. C'est du grand art que de revisiter la tradition liée au fleuve des enfers. « La cicatrice dans la chevelure » est l'histoire de Jo et Monette, sa mère. Lorsque son mari l'a abandonnée, il a bien fallu continuer à vivre pour le petit. Alors Monette a décidé de sacrifier sa vie de femme pour Jo. En contrepartie, elle a investi en lui, lui faisant suivre les cours les plus pointus du lycée. Cette nouvelle c'est celle de l'absence d'un père qui est longtemps attente pour finalement s'éteindre d'un coup. Un texte érudit et plein de tendresse.

Avec « Quiconque » c'est l'histoire d'une ex-star d'Hollywood qui ne retrouve pas de rôles depuis qu'elle est mère d'un jeune garçon. Elle décide alors de tenter sa chance à l'étranger, en Allemagne alors que le nazisme monte en puissance en cette année 1936 et qu'elle a une liaison avec un certain Joseph Goebbels. Cela intrigue ce chef nazi que sa maitresse ait mis son fils en pension aussi loin de Berlin. On a surnommé l'enfant Quiconque ou plus affectueusement Qui-Qui. Goebbels décide donc d'aller voir l'enfant, car s'il n'est pas de race pure, tout ministre d'Hitler qu'il est il risque de passer à la trappe pour avoir entretenu une relation avec cette femme.

Si vous entrez dans « La librairie d'Eparvay », vous risquez d'y faire d'étranges rencontres. C'est ce qui arrive à Cambouis quand après une dispute avec sa petite amie, il décide d'y entrer pour lui rapporter un recueil de poésie. En pleine nuit. Une nouvelle fantastique plutôt déboussolante. « L'écolier de bronze » nous raconte l'histoire de ce poète qui a fait de son art une habitude. Or, l'art est tout sauf routine. Lorsque quelque chose va perturber le cycle, notre poète va décider de repartir à zéro, mais il doit d'abord savoir quelle est l'origine de cette statue qui représente un écolier. Commence alors pour lui un voyage dans son passé. Entre autosatisfaction et exploration des zones d'ombre, cette nouvelle est une plongée dans l'image de l'artiste et son autoreprésentation.

« Le scarabée de cœur » est porté par un homme qui n'aime les femmes que par deux. Lorsqu'il partagea la vie de ces deux égyptologues, il était heureux. Depuis que le trio est brisé, il rêve de vivre éternellement auprès d'elles. Il faut dire qu'il remplaçait un homme mort dans le cœur des deux femmes et il pense souvent, trop souvent à ce mystérieux chat momifié dans la vitrine. Une belle nouvelle comme je les aime. « Les vraies richesses » ne se comptent pas en or. Non, elles sont avant tout dans les valeurs qu'on véhicule. Démodé avant que d'avoir vécu, Oswald-Johan aime les belles choses et un certain art de vivre. Il vit dans une cité et ses aspirations ne sont pas vraiment explicites dans ce milieu. Aussi, lorsque son train s'arrête en pleine voie, il découvre une maison et ses habitants. Une nouvelle sur l'être, le paraître et la vie qui reprend son cours.

« Le chef-d'œuvre de Guardicci » n'est pas exposé dans un musée, ni enfermé dans ses réserves. Il se trouve dans la boutique d'un taxidermiste. Ce chef-d'œuvre consiste en des yeux de verre qui remplacent ceux de la momie d'une jeune fille. Lorsqu'un homme achète cette momie, il est loin de savoir tout ce qui l'attend. Un texte à la fois poétique et humoristique de haut vol. « L'autre histoire » nous conte la mésaventure d'un romancier invité par un milliardaire sur son île privée afin de raconter l'histoire d'un être mythique. Une nouvelle pleine de vivacité. Enfin « Tombola » est l'histoire d'Ariel, un jeune homme élevé par sa tante. Lorsqu'il décide d'aller vivre avec Mona, sa tante décide de lui couper les vivres. Peut-être la solution se trouve dans ce billet de tombola gagnant vieux de 20 ans. Bien sûr, tout dépend du lot à gagner.

George-Olivier Chateaureynaud nous donne une belle leçon. En effet, renouant avec ces illustres aînés que furent Poe et Maupassant, cet auteur allie la belle écriture et la nouvelle de genre. On pense trop souvent que les effets spéciaux suffisent aux littératures de genre pour intéresser le public. Les belles lettres ne sont pas superflues dans ces genres et leur donnent parfois des lettres de noblesse qui manquent de plus en plus souvent, même dans le mainstream. Merci d'écrire aussi bien pour nos littératures de l'imaginaire qui sont de la littérature bien avant que d'appartenir à un genre.
Bobkill
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le 31 mars 2011

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