Attention, cette critique est très très subjective.
1ère claque : Je suis un con
Vous connaissez l'histoire : un écrivain a un projet de futur roman, celui qui changera la face du monde à jamais et, alors qu'il est en phase d'écriture, il s'aperçoit que quelqu'un d'autre a eu la même idée que lui et a publié le livre avant lui. Et bien, c'est ce qui m'est arrivé. Certes, je n'avais pas prétention à ce que ça devienne un best-seller, mais sur le coup, ça fait toujours bizarre. Surtout quand on s'aperçoit qu'on a 30 ANS de retard.
En effet, je suis en train d'auto-éditer un séries de court romans de SF avec une histoire de voyage dans le temps ( le Paradoxe de Stella°) dans lequel des agents du futur sont envoyés dans le passé pour étudier l'Histoire et apprendre comment les événements se sont réellement déroulés. Le premier tome se passait dans le moyen-âge français et je venais de finir l'écriture du tome 2.
Lorsqu'en passant à la Bibliothèque des Champs Libres, à la recherche d'un roman de sf à bouquiner, je tombe sur Le Grand Livre de Connie Willis, je lis la 4eme de couv' et ... c'est mon histoire. Le roman raconte les aventures d'historiens de l'Université d'Oxford voyageant dans le passé et comment une historienne, Kirvin, se retrouve perdue au moyen-age.
Je m'en veut d'autant plus qu'adolescent, j'avais lu un roman qui lui fait suite : Sans parler du Chien : Aurais-je par mégarde repris des éléments inconsciemment et pensé les avoir inventés ? Peut-être. Surtout que la méthode de voyage est assez similaire : une personne est téléportée à travers le temps en passant par une machine maniée par des techniciens (je m'étais inspiré de la téléportation dans Star Trek, et peut-être que Willis aussi) ce qui fait que chaque voyage est minutieusement préparé comme une expédition.
2ème claque : Connie Willis avait tout prévu.
Évidemment les choses ne se passent pas comme prévue et une mystérieuse grippe attaque Kirvin à peine son arrivée dans le moyen-âge, ce qui change complètement ses plans (elle se retrouve allitée chez des nobles locaux et personne ne sait d'où elle vient.) Or, la grippe a été attrappée à notre époque et elle fait des ravages parmis le personnel de l'université, puis les gens autour, ce qui les empêchent de récupérer Kivrin.
Le livre suit alternativement les aventures de Kivrin au moyen-âge et celle de son professeur Dunworthy devant faire face à une pandémie de type grippe. Et là, moi qui bouquine ça après deux années d'épidémie de Covid-19 et j'ai du mal à ne pas faire le parallèle : Le virus rappelle celui de la grippe, il s'attrape comme le Covid-19, les personnages sont bloqués à cause d'une quarantaine imposée par le gouvernement, des personnes meurent parce que non préparées au virus, il y a des pénuries en tout genre, (dont du PQ) il y a des rumeurs fantasmées quant à son origine, on y voit des conspirationnistes, des gens qui portent pas de masques et des manifestations, notamment des anglais menacent de faire sécession avec la Communauté économique européenne (l'ancêtre de l'UE)
Bim, la claque : Connie Willis avait prévue l'épidémie de Coronavirus 30 ans avant son apparition et le bordel que ça engendrerait. C'est d'autant plus bizarre que dans son XXIe siècle, les téléphones portables n'existe pas, internet non plus (on peut utiliser des modems pour s'envoyer des données à distance) et que pas mal des problèmes rencontrés par les personnages auraient été résolus dans notre monde.
3ème claque : C'est vachement bien écrit :
Le roman avait été couronné à l'époque de nombreux prix prestigieux. Et ça le vaut, parce que s'il prend pas mal de temps, arrivé sur sa fin, le roman est un très très bon "page turner"
Le récit commence de façon limite comique, et j'ai cru que Willis était anglaise vu qu'elle utilise un procédé très anglais où les personnages ayant un caractère fort, et sont gouvernés par une obsession : Dunworthy est l'inquiet persuadé que l'expérience va mal tourner, Montoya est la méticuleuse qui veut repartir dans son chantier de fouille, Gilchrist est le pédant persuadé que tout ce qui arrive est la faute de Dunworthy, William Meager est le Don Juan, sa mère est la maman poule persuadé que son fils, etc... etc..... Le fait que l'action se passe à Oxford (j'ai d'ailleurs été perdu dans des détails typiques de l'université d'Oxford comme la concurrence entre l'université de Balliol et celle de Bodlée) y a fait pour beaucoup et Connie Willis est férue de littérature britannique, ce qui doit aider.
A vrai dire, j'ai eu du mal sur toute la partie "XXIe siècle" car à partir du moment où l'épidémie démarre, toute cette intrigue fait pas mal de surplace et narre les aventures de Dunworthy qui doit essayer de déterminer si Kivrin est bien repartie à la bonne époque, mais n'y arrive pas et se retrouve à gérer des tonnes de choses ou à négocier avec des gens pour au final ne rien obtenir. Il y a une sorte de va et vient un peu vain et des répétitions, ce qui laisse à penser que le bouquin aurait gagné à être abrégé.
C'est d'autant plus énervant qu'à côté de ça, les aventures de Kivrin au moyen-âge sont passionnantes : malgré le fait qu'elle se retrouve dans un microcosme (une famille de noble dans un petit village coupée du monde) on la voit faire petit à petit connaissance avec tout le monde, découvrir les us du moyen-âge, s'attacher aux deux enfants de la famille dont elle devient la gouvernante. Là encore, il y a une intrigue qui fait du surplace (elle ne cesse d'essayer de découvrir la clairière où elle a été envoyée dans le temps) mais elle est noyée au milieu d'éléments bien plus palpitant et de personnages bien plus haut en coulerus.
Et puis, il y a le dernier tiers de l'histoire et là, c'est la dernière claque du livre...
Tel que le craignait Dunworthy, Kivrin a effectivement été envoyée à l'époque où la Peste Noire a ravagée Oxford. Ce qui fait qu'on a un parrallèle entre la gestion de deux épidémies, l'une au XXIe siècle et l'autre au moyen-âge. Pas mal d'éléments qui me semblaient un peu moyen dans la partie XXIe siècle trouve leur écho à ce moment là et je les avaient pas vu venir.
C'est aussi une claque vu qu'elle raconte l'histoire d'un voyageur dans le temps qui ne doit pas interagir avec le passé malgré les horreurs qu'il est censé voir.... ce qui est la thématique du tome 2 de ma saga de SF. Et c'est assez horrible parce qu'on voit mourir des personnages auquel on s'était attaché au fil du roman.... et pourtant c'est le moment où je ne l'ai pas lâché.
Je ressors des 700 pages du livre totalement happé par la prose de Connie Willis. Bien entendu, je compte relire Sans parler du chien et lire Blitz, le dyptique racontant les aventures des historiens d'Oxford à traver le temps. Ça ne change pas ce que j'avais prévu pour le tome 3 de mes aventuriers temporels.
Nota : je trouve que la traduction du titre en français est pas ouf : le roman initial s'appelle "Le livre des fléaux" tandis qu'on l'a transformé en "grand livre" qui laisse plus à penser à un livre de compte qu'autre chose. Sans parler que la couv' française de J'ai Lu a complètement massacrée l'illustration du livre de base en la rognant en bas et sur les côté, ce qui l'a complètement dénaturée de son côté "tryptique" voulu à la base.