L'homme et sa destinée sont au centre des écrits de Yoshimura, Le convoi de l'eau, La guerre des jours lointains et Liberté conditionnelle entre autres ouvrages. L'homme face à son histoire et à celle de son pays, aux traditions et à la modernité le confrontant souvent à l'adversité.
L'écriture de Yoshimura est incisive et c'est son talent de conteur qui prédomine, son sens du détail et l'imagerie puissante qui encore, malgré un style différent, ici plutôt documenté, en fait tout un roman.
On visualise le moindre départ de feu, on sent la chaleur et on subit l'aveuglement due à la poussière, on entend le bruit assourdissant, et on ressent le sentiment de perdition de la population. Les descriptions sont marquantes (les victimes s'envolant littéralement propulsés par les vents violents, ou encore la panique engendrant des courses effrénées pour trouver un refuge) et le lecteur visualise nettement ce que peut être une telle situation. On ne s'imaginera plus les conséquences d'un séisme de manière plus concrète que le décrit l'auteur.
A l'instar de G.G. Marquez qui s'essaya également au récit-document avec Récit d'un naufragé, ou Journal d'un enlèvement, la réalité dépasse la fiction et l'écrivain se fait journaliste. Yoshimura recoupe les faits historiques et nous abreuve d'une multitude de chiffres, de dates, de lieux, de noms d'arrondissements, de cantons et autres quartiers, pour une lecture au départ assez déroutante et d'autant plus laborieuse que l'on ne connaît pas la géographie du pays, mais qui répond encore une fois à sa volonté du détail.
Il utilisera plusieurs sources, d'ouvrages d'époques à ceux plus récents d'historiens, aux témoignages de survivants, fera des recoupements sur l'expérience et les leçons (non) retenues des catastrophes du passé et navigue entre l'histoire et son histoire, par le cheminement de plusieurs personnages confrontés au drame sans répondre au vrai roman, évitant des personnages récurrents, même si la catastrophe annoncée répondrait peut-être à la rivalité de deux sismologues. De l'un expérimenté, ancré dans ses certitudes à l'autre en quête de reconnaissance, mais c'est surtout la déclinaison de «l'effet papillon» du séisme, entrecroisant les dates, les actions, qui donnent son rythme à «l'intrigue» et répond mieux au style romancé.
En 1923, le japon n'en est pas à son premier tremblement de terre. Les secousses régulières et ses multiples répliques sont analysées tranquillement d'abord, et ce, dès 1903, se basant aux nombres d'années séparant les précédents séismes, servant de calculs bien relatifs. Le japon est dans le flou total et personne n'est évacué.
La situation politique du pays est en filigrane du récit, pour également mieux comprendre l'époque.
On cherche des responsables à cette catastrophe naturelle et à ses conséquences, signent d'un dérèglement plus «terre à terre». Il s'agira des coréens (sous protectorat japonais venus travailler au Japon), pour le peuple (plus de 6000 coréens auront été exécutés, parfois avec l'aide de la police locale) et des socialistes, en lutte contre une politique dictatrice, pour le gouvernement et l'occasion pour l'armée de se débarrasser des figures anarchistes...De questionnements en rumeurs, mais tout aussi sûrement et sans aucune preuve, ils seront les auteurs des incendies et autres exactions, profitant de la faiblesse du pays pour le renverser et qui poussera à leur lynchage.
Ce grand tremblement de terre du Kantô, a fait un grand nombre de victimes, du majoritairement aux incendies qui se sont déclarés après le séisme, à la mauvaise organisation des secours et évidemment à la panique des habitants. La destruction de la majorité des bâtiments administratifs, des moyens de télécommunications, des habitations pour la plupart faites de bois, laissent le peuple japonais sans pays et dans le dénuement le plus complet. Les pillages, la famine, les maladies, les quartiers livrés à eux-mêmes, et le courage de certains, n'empêcheront pas la mort de plus de 200000 personnes et le pays d'attendre les secours.
Mais il n'y a bien que cet incroyable auteur japonais, Akira Yoshimura, pour nous faire apprécier Le grand tremblement de terre du Kantô, comme une œuvre particulièrement bien nourrie pour la compréhension de cette catastrophe et de ses conséquences.