J'ai aimé le premier roman de Tourguéniev que j'ai lu, "Pères et fils", et celui-ci ne m'a pas déçu non plus. On y retrouve ce qui faisait la force du premier bouquin : un sujet intéressant avec un angle intéressant, et une écriture très XIXe, avec le petit côté russe en plus. Le petit côté russe, c'est cette espèce de pudeur naturelle, de simplicité crue qui fait que les envolées sont rares et précieuses et qu'on ne sombre pas dans le grandiloquent français de la même période, tout aussi appréciable mais beaucoup moins charmant à mes yeux. Ici on parle avec retenue, et le lyrisme est involontaire, presque indigne, ce qui le rend encore plus beau.
Les mémoires de cet homme banal et apparemment de trop s'imposent donc comme un journal romancé intelligemment ciselé qui traite d'un sujet intéressant d'une façon qui l'est tout autant et qui prouve qu'à écrire le banal et le superflu, on peut le rendre essentiel. Une sorte d'ôde au banal et à l'inutile avant l'heure, même si la narration volontairement laxiste du protagoniste et conteur nous empêche de le voir ainsi de prime abord.
Pour couronner le tout, c'est très court et gratuit sur wikisource - je ne sais pas ce que vaut la traduction wiki par contre.