Sur le point de mourir, un jeune homme fait le point sans concessions sur sa vie qu'il s'apprête à trépasser. L'intrigue est essentiellement centrée sur l'intrigue amoureuse qu'il a avec une jeune fille, fille de notables de la ville provinciale d'O.
Tourgenïev en profite pour dresser un état des lieux amoureux, mais amer, d'une certaine Russie profonde. Il dresse le portrait peu flatteur d'une caste dirigeante empêtrée dans des conventions éculées, singeant une grande noblesse dont elle n'a pas la hauteur. Prétexte aussi à fustiger cette hauteur, trop souvent condescendante. La scène de bal est le "climax" du livre, un passage absolument merveilleux.
C'est aussi le roman d'une âme frustrée, celle du narrateur, amoureusement, et moralement. Amoureusement, parce que sa bien aimée ne l'aime pas beaucoup en retour, lui préférant le clinquant d'un prince Pétersbourgeois (qui abusera d'elle sans vergogne avant que de l'abandonner), puis la sécurité et la respectabilité d'un notable du cru. Moralement, car il sera confronté au mépris du prince lui disputant les faveurs de la jeune et jolie provinciale, et à la bêtise de la société de la ville.
Une société, affamée de cancans, qui lui reprochera ses éclats premiers contre le prince, avant d'élever sa clairvoyance aux nues une fois l'imposture et la veulerie de celui-ci dévoilées. La scène du "Grec", de ce point de vue, en plus d'être fort cocasse, est édifiante.
Le tout est porté par un style simple, mais racé, à l'écriture ciselée. La traduction que j'ai lu a été réalisé par Louis Viardot (dont la femme fût l'amante de Turgeniov), en collaboration (étroite) avec l'écrivain, on peut donc lui accorder un certain crédit.
Un très bon moment, quoique court.