En cette année des cent quarante ans du soulèvement populaire de la Commune de Paris, on se prend à rêver d'une rediffusion de cet ample documentaire de Peter Watkins (sur Arte, où il avait été porté sur les ondes pour la première fois, faut pas pousser mémé dans les barbelés tout de même), consacré au sujet. Bien que totalement absent des programmes d'histoire (ou plutôt, à cause de cela justement), il n'est pas à douté que l'évènement fasse l'objet de de diverses récupérations politiques de tous bords. A moins, que plus grave, il n'émerge même pas à la surface de la mer agitée de la vie publique (un remaniement ministériel ? un sondage alarmant ? un communiqué du président du Fonds Monétaire International ?).
Fort d'une expérience de plus de quarante ans, jalonnée de magnifiques documentaires-fictions (Privilege, The War Game, Edward Munch, Punishment Park ...) , le réalisateur britannique se lançait dans un projet ardu. De par la complexité du sujet d'abord, de par sa résonance douloureuse dans l'imaginaire collectif français, et de par la difficulté de trouver des financements. De plus, il fait le pari d'employer une troupe d'acteurs amateurs.
Et de mêler, à un propos purement historique, des thèmes récurrents dans son oeuvre : critique des "mass-media", féminisme, et dénonciation pacifiste.
Pour ce qui est du propos historique, la mission est amplement réussie. Faisant largement appel à des sources d'époques, articles de journaux, discours, lettres, il retrace brillamment la situation politique et sociale, ainsi que les péripéties conduisant à l'insurrection, et son progrès. De plus, la parole est donnée à une large gamme d'intervenants : ouvriers bien sûr, artisans, petits-bourgeois, grands-bourgeois, militaires, politiques ... De l'apparente cacophonie, se dégagent des points de vue nuancés. Le style anti-spectaculaire du film, sa photographie noir et blanc confèrent quelque chose de distancé aux évènements relatés, une distance d'observation nécessaire. Pour autant le film n'est pas "froid". En ce sens que l'on se sent aspiré par cette reconstitution sobre des quartiers populaires parisiens. Au final, l'on se sent un observateur neutre (ou pas), plongé à la fin du XIX° siècle.
Si l'attitude pacifiste peut sembler couler de source au regard des atrocités perpétrées au nom de "l'ordre", la critique des media de masse peut sembler plus hasardeuse. Car Watkins introduit un élément totalement anachronique dans son récit : la télévision. Si les journaux d'époque ne sont pas négligés, il lui donne le rôle central de l'information. Pour démontrer à quel point elle est un outil aisément manipulable, par les deux côtés opposants. En effet, si la TV d'état se range immédiatement derrière le gouvernement Thiers, la Tv-Communale, d'abord mue par de louables intentions d'information pragmatique et impartiale, se convertit vite en organe aveugle de propagande, masquant la réalité difficile au profit d'un discours plus consensuel, et "enthousiaste".
Dans ces conditions, difficile de ne pas déborder sur un débat plus moderne. Watkins présente en effet un certain nombre de débats réflexions sur le monde actuel, à plusieurs voix, sur la condition ouvrière d'aujourd'hui, la situation des femmes ... Comparaison n'est pas raison, et le réalisateur, et les acteurs le savent.
Ce sont donc cinq heures qui s'écoulent extrêmement rapidement. Le milieu du film est peut-être un peu cafouillé, à l'image de la situation qu'il décrit. Mais l'ensemble se suit sans déplaisir, si ce n'est avec intérêt.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top 7 Peter Watkins