Bon, c'est vrai, quand on voit "Par le réalisateur de Requiem for a Dream et The Wrestler", on flaire un peu l'arnaque. Bon. Ensuite, on peut se faire matraquer à coups de bande-annonce à chaque fois qu'on a le malheur de poser le postérieur sur le siège d'une salle obscure. Et on flaire la grosse arnaque. Et quand on lit une critique unanime, ou presque, que les "chef d'oeuvre", "magnifique", "génial" résonnent comme le glas d'un art moribond, on appréhende le pire.
Mais bon, c'est la même rengaine : oui, j'ai perdu un peu de ma folle jeunesse échevelée intrépide et romanesque pour regarder le Requiem en Zut majeur de monsieur Aronofsky, mais The Fountain était bien mieux, et puis Pi pareil. Bon, il a commis The Wrestler, mais il a bien le droit de vouloir le Lion d'Or, nous ne sommes que des hommes après tout. Laissons lui le bénéfice du doute, en même temps que ceux du film, et autorisons nous cette facétie filmique.
Donc l'histoire en fait, c'est : Nathalie Portman a des problèmes avec les coupe-ongles, et Vincent Cassel ne sait pas embrasser sans se blesser. Non, ce n'est pas ça. Alors, Mila Kunis, un peu énervée par son tatouage raté, décide de casser les jouets de Nathalie Portman (vu la tête horrible de son lapin rose, on peut la comprendre), elle qui n'avait déjà pas besoin de ça pour maintenir Kleenex à flots (de larmes bien sûr). Non, c'est pas ça non plus. De toute manière, l'histoire est bien connue, à moins d'avoir ermité durant les dernières semaines : Nina est une talentueuse danseuse de ballet new-yorkaise, à qui la consécration échappe pourtant. L'occasion se présente lorsque Thomas Leroy décide de lui confier le rôle principal dans son adaptation du ballet de Tchaïkovsky.
D'ailleurs (débitons quelques banalités), c'est bien agréable d'entendre sa musique. Dommage d'en faire une utilisation aussi peu appropriée. Enfin, on les sent bien venir les moments "kifonpeur", pas la peine de rajouter un fond sonore, d'autant que les arrangements de Clint Mansell, ne sont pas toujours très judicieux, ou très jolis. Enfin, à ce point, plus personne n'est à une ficelle épaisse comme un séquoïa prêt.
Passons brièvement sur l'utilisation des effets numériques. En plus d'ôter ce qui restait de poësie, ils sont utiles comme la main de ma soeur dans la culotte d'un zouave. Encore que la main de ma soeur est utile, en ce sens qu'elle soulage le brave soldat (mettons qu'il soit brave, ne chipotons pas, le propos n'est pas là) d'un poids sûrement surnuméraire au combat.
Mais revenons plutôt aux ficelles plus épaisses auxquelles il fût fait allusion plus haut. Bon. Certes c'est un film psychologique. Mais n'était-ce pas justement l'occasion de faire preuve de subtilité ? Un miroir ça va, c'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes. Pareil pour ce motif de Roch ... Rosar ... Rorschach en plein cadre. Sans parler de la projection de la mère, danseuse ratée (et peintre douteuse serait-on tenté d'ajouter), et ultra-protectrice. A force d'en rajouter couche sur couche, le propos se dilue totalement, et finit par sembler même un poil grotesque.
Entraînant dans sa chute Nathalie Portman, tout d'abord très juste, et qui provoque rapidement l'ennui, à force de répétitions.
Parce que c'est bien le problème du film : à force de vouloir être clair (ou peut être de se donner une complexité superficielle), il tombe dans le redondant, quand on aurait préféré que l'intrigue progresse. Les personnages sombrent dans le stéréotype, quand on les aurait aimé profonds. Les acteurs coulent dans le pathos, quand on les aurait voulu inventifs.
Bon, c'est quand même joli, enfin la plupart du temps. Pas franchement ahurissant non plus, joli. Avec du joli blanc, et du joli noir pour faire contraste. De jolies jeunes femmes aussi. Même si Nathalie Portman n'a probablement jamais vu Kaamelott. Ou sinon, elle snobe le "Le gras, c'est la vie" de Karadoc.
Enfin au final, je m'en veux un peu de ne pas avoir tenté la sieste quand même, histoire de rentabiliser le temps passé dans la salle obscure (la faute à l'hystérie de mes voisins peut-être). Parce qu'en guise de chef d'oeuvre, c'est un film assez fade que nous propose M. Aronofsky. Dont je ne me souviendrais probablement plus que du battage médiatique l'entourant dans quelque temps.
Paraphrasons finalement Pierre Bosquet, qui en plus d'avoir le privilège d'être français et maréchal, se tenait suffisamment loin des batailles pour en faire des mots d'esprit, ce qui prouve qu'il n'était pas totalement stupide : "C'est magnifique, mais ce n'est pas du cinéma".