Après les déceptions Ladykillers et Intolérable Cruauté, les frères Coen avaient rectifié le tir avec le très acclamé No Country for Old man, et deux belles réussites comiques, Burn after Reading, et surtout A Serious Man. Farce noire, dérangeante, elle brillait par son esprit caustique, et son ton très sombre sous des apparences de vaudeville. On pouvait donc légitimement nourrir de grands espoirs de ce remake d'un western fin de règne, avec John "Colt and Boots" Wayne.
Pour présenter sommairement l'intrigue, disons qu'après avoir perdu son fermier de père, descendu lâchement, non par Robert Crawford, mais par un de ses saisonniers, Mattie Ross se met en tête de lui rendre justice, dans un Far West pas encore totalement civilisé.
C'est d'ailleurs un des premiers reproches que je ferais à ce film. Même si l'Ouest et ses habitants sont effectivement dépeints comme mal dégrossis, un peu sauvages, l'ensemble est un peu aseptisé. Il manque la sueur, la chique et le molard. Malgré la Coen's touch (la scène de la cabane en particulier, ses doigts et sa langue sectionnés ...). La faute à une photographie un peu trop léchée ? A des costumes un peu trop propres ? Une barbe mal taillée, c'est un peu léger pour poser un personnage d'ivrogne bourru. On se prend à regretter la chemise ocre crasseuse, les jeans tâchés de boue de John Wayne dans le film de Henry Hathaway.
Toutefois, on ne peut pas jeter la pierre aux acteurs, pas à tous en tout cas. Ils en font trop, mais c'est voulu, et réussi. On a donc le droit à Jeff Bridges et son accent à couper au couteau, Matt Damon et sa moustache blonde ... On prend cependant un réel plaisir à les voir se donner la réplique (Damon m'a même été sympathique, c'est dire !). La jeune interprète de l'héroïne s'en sort aussi très bien, même si son rôle est moins savoureux que celui du film initial Et puis, c'est un plaisir de retrouver Billy Pepper (l'influence de Steven Spielberg, qui en avait fait son tireur d'élite dans son Il Faut Sauver le Soldat Ryan ?) acteur largement sous-employé. Seul bémol de la distribution, Josh Brolin, qui lors de son bref passage devant la caméra, réussit l'exploit d'être parfaitement transparent et insipide. Il faut dire à sa décharge que son personnage est assez caricatural, et pauvrement travaillé.
Mais revenons un instant sur Steven Spielberg, qui a ici la casquette de producteur exécutif. Sa patte se fait lourdement sentir, au détriment de celle de la fraternité réalisatrice. Musique soit disant lyrique (on regrette les compositions de Elmer Bernstein utilisées dans Cent dollars pour un shérif), et au final surtout très quelconque, montage très "hollywoodien" ... On peine à retrouver la nervosité, la tension des métrages précédents du duo.
Reste une belle réussite visuelle, même si les scènes de paysages sont un peu rares (mince, un western, on veut du grand canyon ! de la vallée de la mort ! des prairies à perte de vue ! ), et une magnifique scène de tir au pistolet (sur des biscuits de farine de maïs !), filmée dans un angle original, lui conférant une majesté, une ampleur certaine. Et puis l'humour noir, très présent tout le long.
Au final, un divertissement sympathique, mais pas très marquant, et un western un peu léger, un peu molasson.