Je n'irai pas refaire un tour du côté de chez Swan
Je pourrais faire mon hypocrite et laisser ouverte la possibilité que je sois passé à côté du film. Mais d'une part cela ne correspondrait pas à mon impression, et d'autre part il m'a tellement énervé que je n'ai pas envie de faire dans la demi-mesure.
Aronofsky souhaite parler de thèmes aussi exigeants et profonds que la quête de la perfection, la folie qui peut en découler, les causes psychanalytiques de celles-ci, leurs manifestations sexuelles, psychologiques et auto-destructrices. Soit. Le problème, c'est que le traitement convaincant de ceux-ci requiert une finesse, une subtilité, une vision, un talent dont il semble être totalement dénué.
Chez les vrais réalisateurs (Coppola avec sa Conversation Secrète, Lumet avec Network, pour n'en citer que deux), la démence s'installe insidieusement, le malaise se créée progressivement, l'image et l'ambiance sont maitrisées à l'extrême et concourent à instaurer une ambiance unique et profondément dérangeante. Peut-être conscient de ses limitations, Aronofsky s'en tient aux grosses ficelles propres aux thrillers cheapos, à base de plans serrés sur l'héroïne visant à provoquer oppression et sursauts (attendus et médiocres), d'effets visuels (transformations physiques, hallucinations, apparitions) grotesques, de métaphores (putain, arrêtez avec les miroirs partout dès qu'on parle de schizophrénie, ça commence à être lourd) convenues, de jeux sur le son minables, de mutilations inutiles. Et quand il tente de s'élever au-dessus du lot, par le biais de l'érotisme névrosé, il se fourvoie totalement, la faute à une vision de la sensualité aussi adolescente et putassière que ridicule (sérieusement, réussir à me faire rire avec une scène de cunnilingus impliquant Natalie Portman et Mila Kunis, c'est en soi une forme de petit exploit).
Si seulement les défauts se limitaient à cela, l'œuvre pourrait encore être sauvée. Malheureusement, entre un scénario prévisible à base de twists déjà faits et plus à faire, des personnages insignifiants au possible au-delà de leur utilité narrative proprement dite, des dialogues anecdotiques et une réalisation qui suinte la prétention et le contentement de soi (pas vraiment justifiés), au point de gâcher des scènes de ballet pourtant très bien chorégraphiées, je ne vois guère à quelle branche se raccrocher. Peut-être à l'interprétation, globalement à la hauteur (on notera un Vincent C. moins insupportable que d'ordinaire), et évidemment à la musique de Tchaïkovsky, mais je doute que cela suffise à faire pencher la balance de la qualité du bon côté.
J'avoue avoir du mal à expliquer l'engouement immodéré que suscite cette pellicule, mais comme je vais m'employer à éradiquer chaque souvenir que celle-ci m'a laissé une fois cette critique publiée, vous comprendrez qu'il sera relativement ardu de m'ouvrir les yeux.
Bisous.