J'ai toujours une certaine appréhension avant de lancer un vieux classique adulé par des générations entières. Une peur irrationnelle qui me fait craindre que le tranchant de l'œuvre ait été émoussé au fil des années et des changements de mentalité, comme si j'avais toujours du mal à considérer que le cinéma pouvait être un art intemporel.
Freaks fait partie de ces diamants bruts qui m'ôtent toute inquiétude dès les premières images et me laissent hébété devant le "The End", ma pensée toute entière s'écriant "C'est fou !".
C'est fou de réussir, en à peine plus d'une heure, à brosser le portrait de nombreux "monstres" sans jamais se départir d'un regard lucide et humain évitant le voyeurisme morbide ou le paternalisme idiot.
C'est fou de faire passer le spectateur de l'attendrissement à l'apitoiement, du rire à la haine, de l'effroi à la jubilation avec une telle aisance brillante.
C'est fou de parvenir à montrer sans lourdeur le mode de vie d'êtres humains atypiques tout en racontant un conte tragique et poignant.
C'est fou d'injecter autant de scènes incroyables dans un temps aussi court. Si la scène du banquet avait déjà placé la barre très haut, celle de la traque vengeresse sous la pluie a bien failli me faire chialer de bonheur tant elle est parfaite sur tous les points.
C'est fou qu'autant de beauté et de poésie puissent se dégager d'une pellicule traitant d'une communauté bâtie sur la laideur et la différence.
C'est fou, et c'est génial.