Ce court roman, le premier de l’œuvre variée et importante de Hella S. Haasse (1918-2011) fut publié en 1948, traduit en 1991 par Marie-Noëlle Fontenat pour les éditions Actes Sud, en période de conflit et peu de temps avant que les Pays-Bas ne reconnaissent l’indépendance de l’Indonésie, à partir de 1949.
«Oeroeg était mon ami.»
Le narrateur, dont le père était administrateur d’une plantation de thé aux Indes néerlandaises, avait pour unique compagnon de jeu et ami inséparable Oeroeg, le fils de l’intendant indonésien du domaine, qu’avec ses yeux sincères et naïfs d’enfant il voyait comme son égal.
Cette amitié va se briser en plusieurs cassures, avec la discrimination de l’école, lorsqu’un accident tragique coûte la vie au père d’Oeroeg et plus tard lorsque le narrateur, devenu adulte, retourne aux Indes néerlandaises à l’issue de ses études, et retrouve un Oeroeg transformé, ayant embrassé la cause des indépendantistes.
La jeunesse aux Indes néerlandaises d’Hella S. Haasse l’a souvent inspirée, comme dans ce premier récit poignant, qui témoigne du paradis perdu de l’enfance, gravé pour toujours et irrécupérable, pour un enfant ayant grandi dans un pays superbe et un environnement protégé, aveugle à toutes les injustices, un paradis dont il sera exclus avec une décolonisation inévitable.
Ce monde de l’enfance est intimement lié à la nature foisonnante, la forêt, les torrents, les animaux, le lac, superbement décrits ici. Comme un angle mort fascinant et incompris, le lac noir, dont on ne peut appréhender ce que la surface sombre recèle, semble être le symbole de tout ce que l’enfant, insouciant et protégé, n’avait pas compris : la catastrophe qui menaçait, les aspirations profondes et l’identité d’Oeroeg, celui qu’il considérait pourtant comme son ami le plus proche.
«S’il est vrai que, pour chaque être humain, il existe un paysage de l’âme, une atmosphère déterminée, un environnement qui évoquent des vibrations émotionnelles dans les recoins dissimulés, les plus reculés de son être, alors mon paysage était – et est – l’image des pentes montagneuses du Preanger : l’odeur amère des théiers, le murmure des petits torrents d’eau claire sur les rochers, les ombres bleutées des nuages sur la plaine.»
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