Entre Molière et Marivaux !
Molière, pour l'époque, les noms, l'ambiance, les personnages. Marivaux, pour la légèreté, les rebondissements, les masques, le happy end. Oh et il y a un souvenir (anachronique) de Beaumarchais dans le personnage haut en couleurs de Crispin ! La parenté avec le premier est évidente, et pour cause, on est sur le même siècle. S'agit-il pour autant d'une pâle copie ? Non, je ne crois pas.
Car sous ses airs de comédie classique - avec ses personnages-types et les prénoms assortis, ne nous le cachons pas -, Regnard est un dramaturge inventif, drôle et talentueux. On prend rarement un plaisir aussi franc à lire des alexandrins. (On pourra dire ce qu'on veut, Racine c'est merveilleux, mais c'est difficile à lire et parfois un peu décourageant.) De plus, les personnages présentent leur lot de surprises et ne sont pas facilement manichéens comme souvent chez Molière, finalement : les amoureux sont aussi vénaux que leurs parents (sauf cette dinde d'Isabelle, la plus parfaite et inutile des cruches), les vieillards ont bon fond... Les valets sont doubles, comme souvent, mais s'il y a tension tout cède au jeu et aux péripéties. Si la fin est courue d'avance, le déroulement de la pièce quant à lui est aussi inattendu et assez délectable. Bref, c'est une belle réussite, une sorte de synthèse fine et légère de plusieurs Grands.
Une petite pépite parfaite pour égayer un après-midi !