Un des premiers exemples de monologue intérieur (restitution des pensées du personnage de manière décousue, au rythme où elles surgissent dans son esprit), dont l'illustre Joyce se serait inspiré pour Ulysse, puisqu'il l'avait dans sa bibliothèque.
Gustel, jeune lieutenant autrichien, amateur de femmes, de bon vin, coquet et très incertain sur sa propre qualité (virilité ?), se fait humilier par un boucher dans les loges d'un théâtre. Il connaît ce boucher, lui le connaît ; lorsqu'il veut lui prendre sa place, l'autre l'insulte, immobilise son sabre de la main (symbole phallique évident), le tance, puis disparaît.
Humilié, offensé, Gustel erre durant toute la nuit en ruminant sa vengeance. il faudra tuer, il faudra se battre, son honneur en dépend... Et pourtant, quelle horreur : mourir pour si peu... Toute la nuit s'écoule à marcher, en se souvenant de cet événement, de ses amours, des femmes, des amis, de l'Autriche (Gustel est ce qu'on nommerait aujourd'hui pudiquement un "réactionnaire..."). Jusqu'au matin, où le lecteur découvrira un étonnant retournement de situation...
Très agréable à lire, musical, confus mais comme la vie-même. Conseillé par une amie, j'ai mis deux ans à le trouver dans la belle traduction de Sillages. Amateurs de narration claire et d'intrigue s'abstenir ; amateurs d'ironie, d'horribles pensées, de l'humanité dans sa monstrueuse nudité, ce livre est pour vous.