Ce livre fait partie pour moi de ces œuvres qui traînent dans les bibliothèques familiales, de ces livres de poche qui jaunissent doucement et dont on se demande si c'est un bouquin du père ou de la grand mère... Je connaissais Kessel par son "Mermoz", que j'ai beaucoup aimé. "Le Lion" est une oeuvre de ce genre, traversée de lyrisme, de phrases belles et pompeuses, au service d'une forte histoire. Le genre de bouquins (et d'auteur) qu'une génération donnait à lire à ces enfants pour leur faire le caractère.
L'histoire est assez étonnante: une famille d'anglais vivent en pleine brousse (dans un hôtel quand même, excusez du peu). Le père , écologiste avant l'heure, était auparavant un as de la chasse au grand gibier , la mère se languit de la vie occidentale, et leur fille est la vraie héroïne de ce petit roman, qui a le don de communiquer avec la nature , avec les animaux et dont le meilleur ami est un lion adulte (au grand effroi de sa mère).Le récit de cette amitié hors norme est donné par le narrateur, un visiteur de la réserve, qui se découvre une fascination pour cette gamine peu ordinaire. Déroulant une réelle complexité psychologique entre les acteurs du drame , ce roman est loin d'être mièvre.
On retrouve le grand souffle lyrique de Kessel dans ses descriptions de la brousse, du Kilimandjaro, dans son admiration pour le peuple Masaï, éternels nomades à la fierté dangereuse. Le français de Kessel est daté, ça sent son Malraux, la Fraaannce, et son Education Nationale :-) Et c'est cela qui participe au charme de ce roman, cette langue ciselée et lourde.
Ceci dit, il y a quand même pour cette lecture l'obstacle d'une certaine approche de l'Afrique, qui est celle du colonialisme condescendant à la papa. Bien que datant de 58, le livre a les relents d'un racisme d'antan, décontracté et convenu, celui d'un Tintin au Congo, peut-être. Fais-je un mauvais procès à mr Kessel? Le fait est que décrire la peau noire comme "une peau abjecte" , ou insister sur "les dents blanches" etc... est suffisant pour me hérisser le poil. C'est d'autant plus navrant qu'on apprend beaucoup sur la beauté du peuple Masai et sur les traditions des autochtones, et qu'on ne peut qu'approuver le message sur la nature sauvage.
C'est un beau livre, une histoire puissante même, amenée par une belle langue ampoulée et classique, mais prenez garde qu'il véhicule de vieilles images bien rances. Une belle lecture, un peu navrante et ambiguë.