Grosse claque que cette première immersion dans les nouvelles de Kipling. La partie sur Mowgli se révèle passionnante, d'une violence et sauvagerie surprenante, enrobée dans une force épique certaine.
La description de l'assemblée des loups où notre héros apporte la fleur rouge, tient à distance Shere Kahn par le feu et promet de revenir avec sa fourrure sur le dos, a quelque chose de fascinant. C'est un monde rempli tout à la fois de barbarie et d'honneur, une sorte de chevalerie des lois de la nature, où respect et craintes se côtoient. Le peuple libre subit le contre-coup de sa liberté, les singes sont ostracisés car incapables d'honorer les lois de la jungle, Baloo se veut garant du savoir - sorte d'arbitre neutre de la vie sauvage. Bagheera, panthère élevée en cage chez les hommes, aide désormais un homme à grandir à l'air libre chez les animaux. Kaa serpent d'une dangerosité immense mais prêt à se battre pour sauver Mowgli. Tant de choses se passent mais surtout s'emboîtent pour former en trois chapitres une nouvelle terriblement forte, vociférant ses vérités durs sous l'apparence d'un conte pour enfant.
Disney aura gardé l'enrobage idyllique, le caractère de certains personnages. Pourtant, le fond, aussi tranchant que l'acier, aussi froid qu'un morceau de glace en plein coeur, aura disparu de son adaptation. Pas de fin heureuse, car le combat ne prend jamais fin dans la jungle, les larmes de Mowgli, chassés par les uns, chassés par les autres, mais qui se crée son chemin par la force de sa détermination, ont un goût des plus étranges.
Le ton s'adoucit légèrement sur les nouvelles suivantes, mais cette dualité restera, entre une nature d'une part sereine, respectable, logique presque et d'autre part aussi cruelle, dangereuse et vicieuse que les hommes. Le chapitre sur les phoques et la loi de la mer peut sembler comme une nouvelle écologiste avant-gardiste, pour autant certains passages se montrent tout aussi acides envers les phoques, qu'envers leurs chasseurs - que dis je leurs bouchers! - humains.
Rikki-Tikki-Tavi, brave mangouste domestique dans l'Inde coloniale, est quant à lui un héros d'un autre genre, à la frontière entre les hommes et les animaux. Roi menacé en son jardin, animal chouchouté dans la demeure de ses maîtres humains ; né pour terrasser les serpents, mais craignant à chaque duel d'y laisser sa vie et de mourir par leurs crocs venimeux.
Reste ensuite deux autres chapitres qui continuent à nous plonger dans l'Inde Britannique de ces temps. J'y ai cela dit moins accroché, ressentant moins cette énergie furieuse s'en dégager.