Sans intérêt
Je ne comprends pas la logique de vouloir sortir un livre par an. Elle a connu la réussite, donc l’objectif ne peut être financier. Pourquoi dès lors ne pas prendre son temps plutôt que de sortir un...
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le 18 sept. 2022
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Chronique vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=1h371D82VVo
Je vais faire une chronique un peu différente parce que rien ne va dans ce bouquin, alors je peux même pas faire un raisonnement avec des thèmes, c’est vide, y a rien à se mettre sous la dent. Ça me donne presque envie de remonter la note de Cher connard, c’est dire. Ce que je veux dire, c’est qu’on dirait vraiment (mais vraiment), un livre pour enfant (je dirais entre 3 et 7 ans). L’intrigue tient sur l’ongle du petit doigt, on va la résumer quand même : Tristane est une petite fille dont la surdouance enchante le monde, tout en lui mettant des bâtons dans les roues. Elle réinjecte une dose de féérie dans son quotidien : ses parents qui sont dans l’abandon et leur bulle passionnelle, sa tante Bobette alcoolique et paresseuse, tout cela ne sont que des obstacles de conte. Mais heureusement, une surprise l’attend, le ventre de sa mère s’arrondit… »
Et bon sang, ma manière d’en parler est nulle à chier et pourtant bien mieux que le bouquin. Donc, voilà, je vais vous dire vite fait ce qui ne va pas en général, et puis ensuite, on va corriger un passage pour voir à quel point son style fait mal aux yeux. Vous êtes prêts ?
Je ne sais pas si c’est fait exprès la mièvrerie, peut-être qu’elle a voulu faire les choses sous le point de vue de l’enfant (sauf que c’est un point de vue externe, donc bon, le concept du narrateur qui a 3 ans d’âge mental, j’ai jamais vu, c’est peut-être expérimental cela dit, peut-être que dans 200 ans, on criera au génie. Et puis un enfant qui dit « Tristane commença sa vie sociale » c’est pas crédible, c’est ça qui est bizarre dans ce livre, c’est qu’il n’y a pas d’unité au niveau des registres de langue, c’est très bébé, puis tout à coup, une formule presque journalistique, c’est particulier ). Personnellement, j’ai eu l’impression que Amélie Nothomb s’est dit, allez, je dois écrire le livre pour la rentrée, j’ai quoi, deux semaines un mois, on a qu’à, hein, écrire comme ça nous vient, c’est presque du flux de conscience, n’est-ce pas Choixpeau, je fais quoi Choixpeau, 30 000 mots ? Non, allez, je sens que cette année on peut même faire 25 000, puis allez, je mets quelques mots vieillis et archaiques, c’est ce qu’ils aiment, ils veulent du Nothomb, on va leur donner du Nothomb, comme enfançonne, c’est bien ça enfançonne, tu n’es pas d’accord Choixpeau ?
La péripétie la plus marquante du bouquin, c’est quand Laetitia veut plus jouer avec Tristane, tu comprends, c’est pas cool de perdre. Alors elle jette les pions par terre. Fin de la péripétie.
Sagace et délicate, dira le Elle de cette semaine pour décrire cette histoire sous forme de conte, racontée dans une langue limpide et grave. Je dirais même dans une langue aquatique et burinée pour ma part.
Bon, ce qui va pas, c’est que les phrases font 5 à 7 mots en moyenne, que malgré la finesse du bouquin, on trouve quand même des répétitions et des clichés littéraires « fraiche comme une rose », « un lien magique », répétition de la formule « histoire de », de la formule parlée « du coup » (et dans la narration, pas dans un dialogue », des manièrisme comme le « enfançonne dont je parlais), vaquer à ses occupations,…
L’impression parfois qu’elle était à côté de son dictionnaire de synonyme et qu’elle voulait à tout prix utiliser tous les termes possibles pour former un champ lexical dans le même paragraphe : « Là, elle vivait la fièvre de l’acquisition du langage […] Si elle entendait passer un terme fabuleux comme « tabouret » […] l’excitation s’emparait d’elle […] Cela nécessitait une audace folle car certains vocables déclenchaient des effets magiques imprévisibles […] elle frissonna de plaisir […] la volupté la terrassa. » C’est tellement hyperbolique en plus, que ça veut plus rien dire.
Les dialogues sont mauvais, très mauvais, y a aucune incise en plus qui permettrait de caractériser le personnage ou bien de mettre de l’ambiance dans la scène. Les incises permettent aussi de jouer sur le non dit ou sur la dualité d’un personnage. Par exemple, quelqu’un qui dit, « Je suis pas énervé » et que tu vois que ses mains tremblent quand il se roule une clope, tu sens un hiatus entre ce qu’il dit et ce que son corps dit. Ben Amélie Nothomb s’en sert jamais des incises, ses dialogues, c’est ce genre :
« — Des études ! N’importe quoi !
— Bobette, comment veux-tu qu’elle devienne présidente de la République autrement ?
— Elle prendra le pouvoir, et puis voilà.
— Un coup d’Etat ? intervint Florent. Là, c’est toi qui es facho.
Tristane trouvait que tatie Bobette était pleine de caractère et qu’en sa présence on existait plus fort.
Quand elle rentrait en voiture avec ses parents, ceux-ci avaient sur tante Bobette des propos peu amènes :
— Ca ne s’arrange pas, ta sœur.
— Quel cas social »
Si on avait misé sur le non-dit, ça aurait été beaucoup plus intéressant. Si les parents disent que c’était chouette de la revoir, et que leur corps les trahissent, avec une voix aigue, ou un regard un peu fuyant y aurait eu un sous texte, une texture différente.
Bon et maintenant, le moment que vous attendez tous (comment ça, non ?), le super atelier écriture spécial Amélie Nothomb. Voici l’extrait choisi, mais ça aurait pu être n’importe lequel :
«Tristane contemplait interminablement l’amour endormi. Elle retenait son souffle de peur de l’éveiller. Au prix d’un silence absolu, elle pouvait entendre la respiration infime : ce son ténu lui dilatait l’âme de joie »
Alors, comme dans Top chef, on va partir sur de l’épure, hein, l’épure, c’est bien, l’abus d’adjectifs inutiles et d’adverbes, c’est pas bien. (D’ailleurs, petite parenthèse, quand utiliser des adjectifs ou des adverbes ? Quand ils apportent vraiment quelque chose au nom ou au verbe (quelque chose d’inattendu). Ici par exemple, contemplait interminablement, c’est presque un pléonasme, parce que le verbe contemplait amène déjà une valeur de durée, donc on vire « interminablement ». Ensuite, l’amour endormi, pour moi, l’adjectif est de trop, parce qu’on sait dans le contexte du paragraphe que la petite dort, allez, zou « endormi » et puis juste amour, c’est bizarre à l’oreille, donc on remplace par « sa sœur ». Phrase suivante, « de peur de l’éveiller », on vire, le contexte permet de comprendre pourquoi elle le retient, son souffle, elle est pas en train de le retenir parce qu’il y a un serial killer derrière le rideau. Au prix d’un silence absolu, on vire « absolu », parce que franchement, on s’en fout qu’il soit absolu ou pas, si c’est un silence, c’est déjà une absence de bruit, et « Au prix d’un silence », c’est étrange donc on vire, pareil pour « respiration infime », on peut dégager l’adjectif qui change pas le sens de la phrase (si sa respiration avait été bruyante ou ronflante à la limite pour signifier un rhume), grande seigneur, je vais laisser le « son ténu », parce qu’elle y tient hein, et enfin, je vire le « de joie » parce que je trouve que « dilater l’âme », c’est une image pas mal, et que le de joie est de trop.
Ce qui nous donne :
«Tristane contemplait sa sœur,. Elle retenait son souffle et pouvait entendre [s]a respiration : ce son ténu lui dilatait l’âme »
C’est pas encore du Sally Rooney, mais on s’en approche. Mais bon, si elle avait fait ça, ça aurait divisé son livre de moitié et ça aurait donné une petite nouvelle, ceci explique sans doute cela.
Bref, L’impression générale que j’ai eue, c’est que ce livre est là pour renflouer les caisses. Y a aucun effort sur le style ou même sur la manière de raconter l’histoire. On dirait que ça a été, oh tiens, la sororité ça vend bien ce moment, et qu’y a-t-il de plus sororal que l’histoire de deux sœurs ?
C’est vraiment mauvais, j’ai rarement lu aussi nul, franchement. Et ça me fait bien rire par conséquent le pataquès qu’il y a eu quand elle a manqué de peu le Goncourt, je l’ai pas lu celui de l’époque, mais si c’était du même acabit, franchement, c’est à vomir que le cercle littéraire encense ce genre de bouquin, quand à côté de ça, y a des auteurs talentueux et moins célébrés (et parfois des auteurs connus aussi mais qui sont loin de vivre de leur plume comme elle). Et le cynisme de vendre ça 18 balles, alors que c’est quoi, 45 minutes de lectures, n’en parlons pas. Bref, si vous voulez lire Martine vient d’avoir une petite sœur, allez-y, c’est le seul cas où je le préconise.
Moi en attendant, j’ai d’autres livres à lire, et j’espère vraiment qu’ils vont remonter le niveau.
Créée
le 20 août 2022
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