Qui est Hadès ? Un voyeur ? Il mate au téléobjectif les passants de sa rue. Un sociologue ? Il les étudie, les scrute. Leur comportement n'a aucun secret pour lui. Un collectionneur ? Il les numérote et punaise leurs photographies sur son mur. Ou alors ce retrait serait l'indice d'un sociopathe ? Il n'hésite pourtant pas à s'immerger dans la foule pour partir en quête d'informations sur ses numéros. Serait-ce un tueur en série comme on les affectionne tant ? Hormis 28 et 42, il n'a jamais tué. Mais qui est donc Hadès et, surtout, pourquoi s'affubler du nom du dieu grec des Enfers ?

Et l'inspecteur Salarnier, que fait-il ? Il passe son temps à se ronger les sangs, toujours à penser à sa femme rongée, elle, par un maudit crabe qui ne se décide pas à la laisser en paix. Doucement, il devient superstitieux, voyant en toute chose des présages, de bons ou mauvais augures. Alors il a un choc quand, sur un chantier, on retrouve un cadavre, il se sent impliqué. Surtout lorsqu'il s'aperçoit que la victime est un des légistes du Quai. Et la tête a été soigneusement tranchée... avec une faux. Et dire qu'il ne sait pas encore que, pour Hadès, le décapité portait le numéro 52.

Dans ce roman, il y a aussi un autre personnage. Un personnage intime qu'on côtoie tous : la Camarde, dame Ankou, la Faucheuse, la Mort. Les protagonistes de ce roman ont tous une relation intime à la mort. Certains tentent de la fuir ou du moins de l'oublier, tandis que d'autres la donne pour s'en préserver. Ce roman, qui devrait nous distraire, nous glisse à l'âme les relations troublantes qu'on se construit avec la mort, du compromis à l'abandon. Personnellement, je dirais qu'en vieillissant on apprend à l'accepter pour soi, mais qu'elle reste toujours aussi intolérable quand elle touche ceux qu'on aime. C'est en cela qu'on devient un peu plus sage, en donnant à ceux qu'on aime le peu d'essence qu'on est. Nos vies en leurs vies, c'est ainsi qu'on vit vraiment.

Thierry Jonquet est une des valeurs sûres de la littérature française. Il m'avait agréablement diverti avec le casse jubilatoire de son « Bal des débris », permis de porter un regard neuf sur l'exclusion dans « Le pauvre nouveau est arrivé ! » et enfin intrigué dans son mystérieux et sanglant « Moloch ». Ce « Manoir des immortelles » est une étape dans ma découverte de cet auteur. Chaque étape est importante car il sait dire des choses essentielles sous un abord de roman populaire. Un bon roman où on apprend un peu sur soi tout en passant un bon moment.
Bobkill
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le 28 nov. 2010

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