« Un fois éliminé l’impossible, ce qui reste, aussi improbable que cela soit, doit être la vérité » … Cette phrase, de Sherlock Holmes résume pour moi assez bien le manuscrit inachevé de Franck Thilliez ou peut-être de Caleb Traskman ou encore même d’Enaël Miraure ? Car dès le prologue, le lecteur est prévenu … il sera aussi acteur et spectateur d’une mise en abyme machavéliquement bien menée …
Deux histoires, dont on prédira inévitablement un lien commun, font ce manuscrit inachevé. La première se déroule à Grenoble, là où suite à une course poursuite infernale , le corps sans visage d’une jeune femme ainsi qu’une paire de mains lui appartenant sans doute sont retrouvés dans le coffre de la voiture du poursuivi. Ce dernier ayant terminé son trajet dans un ravin, ne pourra jamais être interrogé. Et très vite les premiers éléments de l’enquête le blanchissent de ce macabre homicide …
La seconde a lieu en pleine côte d’Opale, où l’écrivaine à succès Léane Morgan, plus connu sous le pseudonyme masculin d’Enaël Miraure assiste impuissante à la disparition de sa fille. Son couple n’y survivra pas, et d’ailleurs le mari de la romancière, refusant de croire au décès de leur fille, mènera lui aussi sa propre enquête… Mais à trop vouloir se rapprocher de la vérité on finit par se brûler… et il en paiera le prix fort … puisqu’après avoir vu le visage du kidnappeur de sa fille, il en perdra la mémoire …
Les habitués de Franck Thilliez, le confirmeront tous, ce dernier a toujours été dans ses histoires, friand d’énigmes, de puzzles, de jeux de mots comme de jeux des pistes… Et cela se confirme de manière encore plus flagrante dans son manuscrit inachevé … Les indices glissés de part et d’autre dans les dialogues, les lieux et dans les personnages eux-mêmes, tout comme les palindromes soulignés de manière presque anodine mais qui pourtant revêtent une importance des plus grandes (je pense d’ailleurs qu’en relisant ce roman, ils n’en seront que plus évidents…)… ont tous été là pour inviter le lecteur à lui aussi prendre part aux enquêtes du duo formé par Vic et Vadim, mais aussi à celle secrètement menée par Julian puis Léane, ou même à partager les soupçons de l’inspecteur Colin … et pourquoi pas clore ainsi le défi proposé dans ce manuscrit inachevé …
Malgré l’ambiance parfois glauque et les thèmes très dur abordés dans ce roman j’ai pourtant éprouvé un véritable plaisir à le lire… J’ai beaucoup apprécié cette dualité, quasi gémellité qui semblait transparaitre dans les deux intrigues principales mais surtout à travers chaque personnage… Vic, d’un côté, ce flic hypermnésique incapable d’oublier mais qui pourtant n’arrive jamais à se rappeler la date d’anniversaire de sa fille … Julian, de l’autre, devenu amnésique, qui voudrait se souvenir mais se trouve bloqué face au vide de sa mémoire… Léane aussi, avec Enaël, son alter ego masculin sorte de jumeau diabolique faisant ressortir en elle cette part d’ombre dont elle aimerait pourtant se départir… Tout le long de la lecture, j’ai été tenue en haleine, prise de court par les nombreux rebondissements, stressées par certaines révélations et atterrée devant les découvertes faites… j’ai ainsi vécu l’angoisse et l’incompréhension de Léane tout comme j’ai pu ressentir les mêmes doutes de Vic … Et puis j’ai surtout été très fière lorsqu’en suivant tous les indices éparpillés je suis moi-même parvenue à résoudre l’énigme du manuscrit inachevé … Un peu comme Sherlock Holmes en fait … à qui Franck Thilliez multiplie d’ailleurs nombreux les clins d’oeils …
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