Médecins du temps jadis

Av. : histoire et culture

Inc. : quelques longueurs

Dans le Londres du XIème siècle, Robert Jeremy Cole que tout le monde appelle Rob voit ses parents mourir en peu de temps des suites des rudes conditions de vie de l’époque. Il est recueilli par un barbier-chirurgien et va, aux côtés de cet homme apprendre les principes de cette profession. Longtemps, en Occident, il y eu deux professions qui ne se mélangeaient pas et avaient pourtant une approche similaire de la médecine. Les médecins pratiquaient un art qui leur avait été enseignés et se complaisaient dans la saignée des malades. Ils avaient principalement, voire exclusivement, pour clientèle les plus fortunés de la société. Pour les pauvres, il y avait les barbiers-chirurgiens qui connaissaient eux aussi des errances dans leur pratique de la médecine et leurs erreurs n’avaient rien à envier à celles des médecins. Les deux, en effet, n’avaient d’yeux que pour la théorie des humeurs, alors que déjà de nouvelles approches de la médecine commençaient à percer, malgré l’hostilité de l’Eglise et des praticiens établis.

C’est auprès du barbier-chirurgien Henry Croft que, dès l’âge de neuf ans, Rob va s’intéresser à la médecine et progressivement découvrir ses secrets. Il apprendra aussi à divertir le chaland et à vendre des remèdes douteux quant à leur efficacité. Il se révélera travailleur, observateur, doué pour le dessin et les armes. Il va sillonner auprès de son maître l’Angleterre de l’époque et essayera de retrouver ainsi ses frères et sœurs eux aussi confiés à des familles dans tout le royaume. Mais c’est surtout lorsqu’il croisera des médecins juifs qu’il comprendra sa vraie destinée.

En effet, il apprendra d’eux que dans le royaume de Perse, à Ispahan, un médecin enseigne comment garder en vie ses patients. Rob a un don, un don terrible qui lui fait souvent douter de pouvoir guérir certains malades. Le médecin d’Ispahan, l’histoire a conservé son nom : Avicenne. Dès lors Rob va s’engager dans ce long et éprouvant voyage vers l’Orient. Il traversera une Europe multiple et tourmentée, mais bien plus que le savoir, c’est aussi l’amour qu’il découvrira en Perse. Nous verrons cette époque où les Juifs étaient mieux traités en terres d’Islam qu’ils ne le furent jamais parmi les Chrétiens.

Derrière ce roman, c’est aussi une histoire des trois fois monothéistes qui se dessine alors que l’on voit qu’elles ont toutes trois connues des périodes de lumières avant de transiter par une phase obscure. L’Islam de ces temps-là était savant, il y eut les nombres, puis la culture et enfin la médecine. Si les auteurs de la Grèce antique nous sont parvenus, c’est bien parce que les Musulmans conservèrent ces écrits que l’Eglise s’efforça d’effacer, afin d’assoir son pouvoir en se prétendant unique détentrice du savoir. Mais la roue tourne, et l’obscurantisme revient toujours inciter des fous à détruire les autres civilisations, même antiques et apaisées.

Noah Gordon a un don pour le roman historique en resituant parfaitement ses personnages dans le contexte des époques explorées. Après Shaman et avant Le dernier Juif, il a, avec Le Médecin d’Ispahan, écrit une vaste fresque sur la médecine médiévale et comment elle est passée de l’obscurantisme occidental à une approche plus moderne dans sa pratique. Nous avons déjà pu observer cette approche avec Les piliers de la Terre de Ken Follett, mais ici c’est un voyage initiatique qui nous est proposé. Une belle écriture et des chapitres courts font de ce récit un petit bijou qu’on a bien du mal à refermer. Sous le titre de L’Oracle, cet ouvrage vient d’être adapté au cinéma et devrait remporter un beau succès auprès des amateurs du genre.