Le Menteur
7.1
Le Menteur

livre de Pierre Corneille (1643)

Eh ben, il s'est pas trop foulé sur ce coup-là, le Père Corneille... On est en 1644, il commence à avoir du métier (déjà douze pièces dans sa musette), il sait ce qui plaît, donc il pond sans trop se fatiguer une comédie qui va contenter un large public. Je ne lui en veux pas d'avoir recherché un succès facile, mais bon, presque quatre siècles plus tard, la chose a perdu de son intérêt. Certes, c'est drôle par moments, mais c'est aussi ennuyeux en bien d'autres endroits. Et la mise en scène pourrait en partie pallier les défauts, mais il se trouve que j'ai vu cette comédie jouée par une troupe qui, à mon sens, manquait pas mal d'inventivité. Pas de chance pour moi !


Scénario classique, tiré d'une pièce espagnole. Car oui, au XVIIème, en France, on adaptait beaucoup les pièces espagnoles ou italiennes, quand on ne reprenait pas en partie celles de compatriotes. Donc, rien d’exceptionnel ici. Scénario classique, donc, avec en vedette un jeune homme, Dorante, tout frais arrivé de Poitiers à Paris, qui pour se faire valoir auprès des dames, de ses amis, ou encore pour se tirer d'un mauvais pas, invente mensonge sur mensonge. Il s'éprend (plus ou moins) de Clarice, qui le lui rend bien (enfin, plus ou moins), bien qu'elle soit sur le point (plus ou moins) de se fiancer à Alcippe. De mensonge en mensonge, de quiproquo en quiproquo, la pièce nous mène, cahin-caha, vers un double mariage final.


Les mensonges de Dorante donnent lieu à quelques scènes plutôt drôles, mais la plupart des scènes ne sont pas passionnantes, tout ça n'est pas très enlevé, et la construction de l'histoire s'avère parfois bancale. On comprendra difficilement, et c'est un exemple parmi d'autres, qu'au tout dernier moment Dorante se révèle amoureux (plus ou moins) de Lucrèce, la cousine de Clarice, alors qu'il l'avait jusque-là à peine regardée. Le fait est que les conventions du théâtre français interdisaient qu'on montre un mariage non consenti par les deux fiancés (le Dorante espagnol, en effet, se fait prendre à ses mensonges et coincer dans un mariage qui lui convient pas), et que Corneille a du s'y conformer, mais il aurait peut-être pu s'y prendre de façon plus fine. Voir Dorante retourner sa veste d'une seconde à l'autre sans motif laisse perplexe, tout de même... Et puis les quiproquos ne sont pas utilisés à plein, on pourrait imaginer des situations plus embarrassantes, plus complexes, en un mot : plus drôles.


Le Menteur, une pièce qui se voulait, disons-le, un pur divertissement, me rappelle certaines comédies sentimentales américaines des années cinquante, réalisées pour plaire à un grand public, qui fonctionnaient à l'époque mais qui, aujourd'hui, se regardent avec peine : ça manque de rythme, les acteurs ne sont pas bons, bref, c'est ennuyeux. Et la comparaison avec un Lubitsch ou un Capra n'arrange rien. Je ne comparerai cette comédie de Corneille à aucune autre, mais vous aurez saisi l'allusion !

Créée

le 4 mars 2018

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