La première partie de ce livre se lit comme un récit autobiographique assez plaisant et non dénué d’humour, d’une jeune fille naïve de parents bretons mais élevée à Paris et qui fait des pieds et des mains pour obtenir une affectation de l’éducation nationale dans le coin paumé de Bretagne, où depuis l’enfance elle a passé ses vacances. Très vite, une fois sur place, son travail d’étude de poètes régionaux la mène à se rapprocher du mouvement de promotion de la culture bretonne et elle participe par exemple, avec d’autres parents d’élèves, à la création d’une école Diwan. Cette longue introduction permet de saisir son parcours personnel, jusqu’au point de bascule où, suite à un conflit avec son directeur de thèse Pêr Denez, elle se retrouve bien malgré elle en guerre ouverte avec un milieu dont elle faisait partie. Certains propos qui lui sont prêtés par ses opposants la poussent alors à se pencher sur l’histoire du mouvement nationaliste breton qui constitue le véritable sujet de cet essai, et l’amènent de découvertes en découvertes. On y apprend par exemple que l’Allemagne nazie a fourni des armes à des indépendantistes bretons. Que plusieurs figures majeures du mouvement ont collaboré pendant l’occupation. Que les principaux journaux indépendantistes avant la seconde guerre mondiale étaient ouvertement antisémites. Etc, etc. Evidemment la sortie de ce livre a créé une immense polémique et ces propos furent souvent contredits. L’ennui, c’est que Françoise Morvan est avant tout une chercheuse. Si l’on peut remettre en cause, par exemple, le manque de nuance dans ses positions, ses contradicteurs se décribilisent lorsqu’ils nient en bloc, alors qu’elle apporte les preuves d’une bonne partie de ce qu’elle avance. Cette obsession permanente de donner ses sources, allant même jusqu’à photographier certains articles de presse, peut même à force devenir fatigante pour le lecteur, déjà un peu perdu dans l’enchevêtrement de noms bretons dans la galaxie indépendantiste. Cependant, cela vient consolider mon opinion qu’il s’agit d’un travail salutaire en plus d’être un bon livre, même si cela doit sérieusement défriser plus d’un de ceux que Brassens appelait « les imbéciles heureux qui sont nés quelques part ».