Pour ceux qui liraient exclusivement "L'obs" ou d'autres périodiques du groupe du Monde, un petit rappel. Aude Lancelin, après quelques années au Nouvel Observateur puis au journal Marianne revient à son premier news magazine (devenu depuis L'obs) en tant que rédactrice en chef adjointe plutôt chargé de la culture et des idées. Beau poste pour cette journaliste férue de philosophie qui contrairement à beaucoup de confrères ou consoeurs ou même de philosophes ayant pignon sur rue connaît et a lu Nietzche, Lévinas, Bourdieu, Badiou, .... Pour faire bref, beaucoup de culture pour cette journaliste plus gauchiste que la tendance officielle du journal, servant sans doute dans son placard doré de caution morale à un journal relais d'une gauche molle en déliquescence, qui a toujours accompagné le virage néo libéral du Parti Socialiste. Mais L'obs, dorénavant géré par un triumvirat appartenant au CAC 40 ( Pigasse, Bergé et surtout Niel de Free) et noyauté par une bande de vieux amis indétrônables ( Jean Daniel, BHL, les époux Badinter, ...) s'avère être un terrain miné. Vous rajoutez l'actuel président de la République qui compte bien continuer à briller un tout petit peu dans ce magazine qu'il estime, ou pense, totalement acquis à sa cause et à sa politique et vous obtenez une situation explosive qui aboutira au licenciement de celle qui osait défier un tout petit peu la ligne éditoriale.
En colère mais libérée, Aude Lancelin dit (presque) tout dans ce livre coup de poing qui épargne peu de monde. Avec un style certain, brillant, masquant quelques noms, "le monde libre" ne se borne pas à raconter un licenciement mais dresse un état du journalisme et de la presse au début du 21ème siècle ainsi qu'un historique du virage néo libéral du PS, ou comment des intellectuels et une certaine presse ont accompagné ce mouvement, brassant concepts creux à tous vents et occultant volontairement d'autres pensées de gauche, souvent moquées au pire complètement censurées. La charge est dure nette, précise. Beaucoup de noms sont cités, pointés, d'une plume acérée. Certains sont exécutés en une phrase ( Les Badinter), d'autres plus longuement ( BHL, mais faut dire qu'il y a matière !), personne de cette nasse médiatico/philosophico/politique n'échappe à son tir.
Alors me direz-vous, encore un de ces ouvrages haineux, écrit sur le coup de la colère qui risque encore d'alimenter cette impression de "tous pourris" dont se servent certains partis extrêmes. Pour ma part, je dirai le contraire. La connivence qui existe dans cette frange de gens pensant et écrivant est connue, supputée. Le dire franchement, expliquer ce qu'est cette réalité de l'intérieur me semble être une démarche salutaire. En pointant du doigt ces pratiques guère ragoutantes, elle met en évidence l'extrême fragilité de la presse actuelle donnée pieds et poings liés aux seigneurs de la finances et comment celle dite de gauche a été le vecteur démoniaque du gommage des vraies idées socialistes de la sphère publique.
La fin sur le blog
http://sansconnivence.blogspot.fr/2016/10/le-monde-libre-de-aude-lancelin.html