J'ai chopé plusieurs Troyat sans faire attention au fait que ça pouvait faire partie d'une saga... je n'ai donc que ce deuxième volume de cette histoire qui en comporte trois. Mais c'est pas grave, je trouve des avantages à ce genre de choses.
Déjà, si l'auteur écrit bien son bouquin, l'histoire doit être compréhensible. C'est ici le cas. Ce qui est formidable, c'est de ne pas avoir le début ni la fin parce que ça donne l'impression d'entrer dans un univers qui existait déjà avant que je ne le découvre et qui continuera d'exister après. Ainsi donc, les personnages mentionnent des événements que je ne peux qu'essayer de deviner sans jamais être sûr, comme si les personnages avaient leurs propres secrets et que je n'étais pas convié à les apprendre. Et lorsque le bouquin se termine, on a ici une fin qui permet de ne pas se sentir lésé tout en ayant l'impression que les personnages vont vivre plein de choses sans moi pour les observer.
Evidemment, ça ne marche pas toujours. Cela dépend du genre d'histoire. Vu qu'ici il s'agit surtout d'une tranche de vie, ça passe assez bien selon ce concept. Il n'est pas nécessaire de lire les deux autres livres pour apprécier cette partie-ci puisque tout est un peu décousu. D'ailleurs ce volume-ci est lui-même scindé en deux parties : une première partie sur le champ de bataille, avec un héros agonisant et une deuxième partie au chaud chez lui après avoir repris ses forces et retrouvé un ancien amour. Il y a des liens entre les deux récits, mais on ne les ressent pas trop.
Chaque partie est bonne mais comprend ses inégalités. Surtout la deuxième partie durant laquelle il m'a fallu un petit temps avant de me dire qu'on y trouvait autant de bonnes choses que dans la première. Ce qui est bien aussi, c'est que malgré le sujet, Troyat évite le misérabilisme. Surtout dans la première partie qui consiste plus en une description de l'agonie qu'en une surexploitation du pathos. J'aime beaucoup les personnages aussi : le héros est un peu lâche, mais on comprend sa lâcheté, elle est même normale ; on comprend également la réaction de son entourage. Notons que les personnages secondaires sont construits selon une caractérisation simple plutôt efficace alors que le héros est plutôt malléable afin que chaque lecteur puisse s'identifier à lui.
L'écriture de Troyat est simple, quoique de temps en temps il pourrait aller un peu plus droit au but. Mais bon, cela ne déteint pas sur l'efficacité de son récit. Il emploie un vocabulaire simple, agréable. Peut-être que ça manque parfois un peu de nuances, mais ça reste globalement satisfaisant pour jouir de quelques subtilités.
Bref, j'ai bien apprécié ce tome 2 de "Le Moscovite". Je ne sais pas si je chercherai un jour à lire les autres tomes tant j'aime ce concept de n'avoir qu'une partie du récit ; j'ai d'autres bouquins de l'auteur isolés de leurs suites, j'espère que ce sera aussi agréable à lire que celui-ci.