Rétrospective qui commence par décrire un "Paradis du temps des colonies" (ce n'est pas écrit comme ça mais presque), en tout cas en Egypte. S'ensuit le contraste avec la rétrogradation civilisationnelle de l'Islam depuis les talibans mais surtout depuis 1967, en fait, "la guerre de 6 jours".
Maalouf répète penser que les arabes ne se sont toujours pas remis de cette foudroyante défaite militaire et qu'ils en viennent à se détester eux-mêmes d'autant qu'ils n'ont connu aucune victoire depuis. D'où cette dégradation sociale, culturelle, économique, sexuelle, institutionnelle, etc., aux seins mêmes de leurs nations. La fuite, ou les expulsions, des élites, par le biais d'interventions américaines ou non, n'aidant pas.
C'est là sa grande idée, sa date numéro 1, dans le livre : la défaite de 1967 face à Israël, non suivie de victoire depuis, pousserait les nations arabes à s'auto-détruire et à détruire tout le monde par la même occasion. Pour bien expliquer les mouvances et les enjeux, un gros passage explique les situations au Liban, fin des années 1970, début des 80.
Seconde et dernière grande date de Maalouf : 1979, Reagan et Tatcher, ou le renversement des statuts entre conservateurs et progressistes dans l'Occident. Les révolutionnaires sont, depuis, les conservateurs. Ils combattent le Tout-État au profit du libéralisme économique. Les progressistes se trouvent alors sur la défensive.
Beaucoup de détails: Nasser en Egypte libre, interventions russes en Afghanistan, interventions politiques américaines sur Israël ou les factions islamistes, de comparaisons: la réussite chinoise, l'Islam en Indonésie, beaucoup d'anecdotes : les expulsés arméniens "donnant à Berlin un vrai statut de capitale", et cætera.
J'ai tendance à me perdre dans la politique mondiale post-WW2 et ne pourrai déjà plus vous présenter un bon résumé du bouquin. Le problème vient peut-être de l'œuvre elle-même. Alors que j'ai lu une rétrospective très intéressante et pertinente, Maalouf s'embarque, dans sa 4e partie heureusement courte, dans l'avenir d'une façon très pessimiste et dans une démarche contraire à ce qu'il présentait de sa vision des événements du passé. Et surtout, qui n'a aucun rapport direct avec ce dont on parlait dans les 3 premières parties.
Il fustige, façon "c'était mieux avant", sans ne laisser aucune place à l'imagination et sans prendre aucun recul, le "télécran de 1984" qu'est Internet et l'IA, comme s'il prenait Terminator au sérieux. Son point de vue en est un mais n'est pas très intéressant pour le coup.
L'œuvre est courte mais traite de trop de sujets. Les deux premières parties arabisées sont d'excellents rappels pour comprendre ce qu'il se passe encore actuellement. Certaines idées exprimées auraient cependant méritées plus de développement. Dès le début d'ailleurs, son Paradis égyptien est, comme il écrit, celui de Dalida, de Claude François... C'est-à-dire des bourgeois colons ou "pieds noirs", du point de vue des yeux d'un enfant qui plus est. Son point de vue n'approchera aucune populace dans le livre sinon de très loin. J'admettrais qu'il est difficile de faire un bon livre de géopolitique qui soit social et réciproquement.
Bref, une excellente rétrospective, que je conseille. La conclusion (la partie 4), par contre, ne présente guère d'intérêt. Qu'internet soit le télécran de Big Brother ou que les glaces fondent, tout le monde le sait déjà.