Vous rencontrez un livre qui vous fait sourire, puis vous agace, vous irrite même, et finalement vous séduit au point que vous avalez ses 500 pages en une bouchée.
Ecrit en Allemand et publié en 1971 en anglais et en 2010 en français par les éditions Attila, « Le nazi et le barbier » fut écrit suite à la commande d’un éditeur américain, Doubleday. Au vu de l’OVNI provocateur qu’est ce roman, on aimerait connaître la teneur de la commande, comprendre si celle-ci induisait un peu de la matière explosive qui compose ce livre, ou bien si cela est entièrement due à la folie créative d’Edgar Hilsenrath.
Max Schulz, né en 1907 en même temps que son voisin Itzig Finkelstein, doté malgré son ascendance aryenne du physique d’un juif caricaturé par la propagande nazie, tandis que son voisin juif est lui blond aux yeux bleus, va être tour à tour l’ami inséparable d’Itzig Finkelstein, SS génocidaire exécuteur par balles de milliers ou dizaines de milliers de juifs en Pologne, usurpateur de l’identité de son ancien ami juif disparu et se prétendant rescapé d’Auschwitz et combattant sioniste pour la cause d’Israël.
Ce roman fêlé, successivement sombre, cru ou très drôle mais toujours provocant, nous plonge dans le bourbier humain, avec un humour au moins aussi décoiffant en 1971 que celui du nazi et du barbier de Charlie Chaplin en 1940.
« Je me présente : Max Schulz, fils illégitime mais Aryen pure souche de Minna Schulz, au moment de ma naissance servante dans la maison du fourreur juif Abramowitz. Mes origines aryennes pure souche ne font aucun doute, car l’arbre généalogique de ma mère, ladite Minna Schulz, sans aller jusqu'à la bataille d’Arminius, remonte au moins jusqu'à Frédéric le Grand. Tout de même. Je ne peux pas dire avec certitude qui était mon père, mais une chose est sûre, c’était l’un des cinq suivants :
HUBERT NAGLER, le boucher ;
FRANZ HEINRICH WIELAND, le serrurier ;
HANS HUBER, l’apprenti maçon ;
WILHELM HOPFENSTANGE, le cocher ;
Ou ADALBERT HENNEMAN, le majordome.
J’ai fait examiner en détail les arbres généalogiques de chacun de mes cinq pères, et je peux vous assurer que l’origine aryenne de chacun des cinq a été établie de manière irréfutable. »