Terrible journal testamentaire d'un homme vivant reclus au sein de sa propre famille, le nœud de vipères, par rapport à d'autre romans de Mauriac, me semble avoir associer à son étude de psychologie profonde la forme la plus adéquate. Le journal permet d'une part de pénétrer à fond dans l'esprit du personnage principal. D'autre part, l'intérêt est de limiter le point de vue à celui personnage principal; ne pas connaître l'opinion des autres protagonistes, mais seulement ce que le personnage suppose qu'elle est, emprisonne le lecteur dans une conscience dont il explorera d'autant plus la profondeur. L'harmonie du fond et de la forme.
Par ce journal, nous entrons dans la confession d'une existence perdue dans les ruines d'un mépris, d'une haine, d'un ressentiment; le ressentiment d'un brillant avocat au cœur envenimé par ce qu'il estime, parfois de façon juste, être de la part de sa famille du désintérêt méprisant, de la malveillance, et surtout, véritable péché originel de sa lignée, le rapacité des siens quant à sa fortune. Cette rapacité se décline d'ailleurs dans le spirituel: seul athée de sa tribu, il fustige le matérialisme cupide que sa femme et ses descendants dissimulent d'un voile de bourgeoise bigoterie chrétienne. Cette insulte à la religion le conduira finalement au seuil de la mort, à en adopter l'essence: roman d'une quête vers les siens, en même temps que vers Dieu. Quête vers les siens, après avoir vécu si longtemps dans une mutuelle haine résultant d'une absence de communication. Ce roman, c'est aussi celui des regrets, fils de ce sentiment que les choses auraient pu être autrement; aperçu d'un amour des siens, plutôt que la haine; mais il est trop tard...