Tout se résume dans cette phrase qu'on trouve plusieurs fois dans ce roman "Grandir, c'est un drame". Cette histoire est celle de la différence : celle du petit joueur d'échec, né avec les lèvres soudées et qui, opéré et greffé, voit un duvet pousser sur ses lèvres. Celle de son mentor, un obèse qui lui apprend les échecs au cours de parties mémorables à bord d'un bus qui lui sert de logement. Celle des personnages qui le hantent : un éléphant situé sur une terrasse d'un grand magasin, trop lourd pour être descendu par l'ascenseur et condamné à y passer sa vie. Celle d'une petite fille de son quartier qui a disparu et qui serait restée coincée entre les murs d'un immeuble voisin. Tous ces éléments qui nous amènent vers la vérité qu'il assène : grandir -grossir- c'est un drame. C'est tellement vrai qu'à la mort de son mentor, le petit joueur d'échecs cesse de grandir, notamment pour pouvoir continuer de tenir dans le petit espace situé sous la table d'échecs d'où il joue à l'aveugle. Cette situation particulière donne des idées à ceux qui veulent exploiter son talent. Il devient ainsi la "tête pensante" d'un automate "Little Alekhine" permettant de jouer aux échecs. De longs passages racontent ces parties, mais toujours avec beaucoup de poésie. J'ai aimé ce roman, notamment la première partie, où on voit se développer le talent du petit joueur d'échec. C'est une belle personne qu'on a envie d'aimer.
Grandir n'est pas si triste, ce qui compte c'est ce que son mentor lui a répété tout au long de son apprentissage "Ne te précipite pas, mon garçon !".