Le Petit Manuel de composition typographique met à l’épreuve deux règles : il faut 1° toujours se méfier des petits quelque chose (petits traités, petits manuels, petites histoires, etc.) et 2° craindre comme la peste les livres auto-édités. En-dehors d’une couverture hideuse dont le rose fait saigner les pupilles, l’ouvrage évite les écueils inhérents à ces deux catégories – les seconds surtout. Naturellement, c’est aussi une réussite typographique ; le cas contraire eût été honteux.
On y apprend des choses : culture générale (« c’est à la fin du Moyen Âge qu’est apparu le retour à la ligne », p. 63) ou savoir-faire (« par un phénomène physique, il est délicat de composer correctement en bloc des lignes de moins de 45 signes, et impossible pour des lignes d’une vingtaine de signes », p. 58). Aussi son lectorat idéal ne se circonscrit-il pas aux jeunes graphistes sérieux : l’amateur de typographie y trouvera son compte.
Cela dit, cela reste un livre de quelque quatre-vingts pages (dont un nombre non négligeable expliquent, par ailleurs, comment se servir de tel ou tel logiciel professionnel) : même si la partie historique n’est pas négligée – expliquant par exemple brièvement mais clairement l’importance de Bodoni –, ce Petit Manuel de composition typographique n’a pas l’exhaustivité qui lui donnerait le statut d’un ouvrage de référence même discutable (1).
Il n’épuise même pas, loin de là, la notion de composition qui figure dans le titre. (Je ne parle pas du fait qu’il soit consacré uniquement à la typographie des textes en langue française : on ne saurait lui tenir rigueur de cela.) Il est vrai – et j’en reviens au premier adjectif du titre – qu’il ne semble pas en avoir l’ambition. C’est tout de même dommage, car l’auteure, évidemment compétente et passionnée, par ailleurs préfacière du recueil de Tschichold publié aux éditions Allia, propose des éléments de réflexion intéressante lorsqu’elle quitte le domaine du pur savoir-faire pour envisager la typographie avec un peu de hauteur : lire qu’en typographie « les origines des appellations sont souvent floues, ancrées dans un savoir-faire depuis longtemps disparu » (p. 24), c’est aussi intéressant pour le non-professionnel que d’absorber une liste de vocabulaire.


(1) Quand je dis « même discutable », je pense à deux manuels d’un domaine que je connais mieux : la Grammaire méthodique du français et le Gradus, connus des étudiants en lettres et profitables aux amateurs de littérature. Ils ont leurs défauts – le premier parfois très catégorique, le second parfois brouillon –, mais restent des mines de réflexion. Je n’ai pas encore trouvé d’ouvrage qui soit à la typographie ce que ces deux-là sont à la littérature.

Alcofribas
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 9 nov. 2019

Critique lue 184 fois

1 j'aime

Alcofribas

Écrit par

Critique lue 184 fois

1

Du même critique

Propaganda
Alcofribas
7

Dans tous les sens

Pratiquant la sociologie du travail sauvage, je distingue boulots de merde et boulots de connard. J’ai tâché de mener ma jeunesse de façon à éviter les uns et les autres. J’applique l’expression...

le 1 oct. 2017

30 j'aime

8

Le Jeune Acteur, tome 1
Alcofribas
7

« Ce Vincent Lacoste »

Pour ceux qui ne se seraient pas encore dit que les films et les albums de Riad Sattouf déclinent une seule et même œuvre sous différentes formes, ce premier volume du Jeune Acteur fait le lien de...

le 12 nov. 2021

21 j'aime

Un roi sans divertissement
Alcofribas
9

Façon de parler

Ce livre a ruiné l’image que je me faisais de son auteur. Sur la foi des gionophiles – voire gionolâtres – que j’avais précédemment rencontrées, je m’attendais à lire une sorte d’ode à la terre de...

le 4 avr. 2018

21 j'aime