Exilé en compagnie de sa maîtresse Gloria Vancouver et d’un brésilien, Machado, qui les a aidé à trouver refuge à Macau, Breughel se cache et il vit maintenant seul, dans un quartier sordide de ce petit morceau de Portugal en mer de Chine.
Agent de son Parti missionnée pour le séduire, Gloria Vancouver a finalement trahi cette organisation totalitaire, et elle a accompagné Breughel dans sa fuite sans retour, après avoir détourné de l’argent du Parti.

Lorsque le roman s’ouvre, Gloria et Machado ne sont plus là, et dans un cloaque envahi par les blattes, Breughel rumine sur la fin de toute chose, dans l’attente de sa propre décomposition. Rattrapé par Kotter, un tueur envoyé par le Parti pour retrouver les fuyards et l’argent, qui le soumet à un interrogatoire aussi violent qu'absurde, Breughel semble résigné à une fin proche, sans amertume tant elle est attendue.

«La foi en l’avenir était parvenue au dernier degré de sa combustion suicidaire.»

Écrivain vieillissant, dans cette partie de la vie «où déjà tout est recouvert d’une poussière de mort», la seule chose qui semble lui importer, dans ses récits et mensonges à Kotter, reste de protéger Gloria Vancouver. Mais, dans ce livre où rien n’est exempt du doute, cette femme existe-t-elle ou est-elle issue des fictions de Breughel ? Gloria Vancouver est-elle insane, recluse entre les murs d’un asile ou bien déjà morte ?

«Elle existe, elle n’existe pas, c’est une inconnue à cheveux noirs, parfois tu inventes un passé au cours duquel tu as été heureux avec elle, longtemps, pendant une vie entière, et parfois tu ne lui as même pas adressé la parole, elle t’a simplement frôlé, dans des structures clandestines qui se donnaient pour objectif d’exécuter des nettoyeurs ethniques, des vendeurs d’armes, des idéologues de la boucherie, des seigneurs. Bien que souillé pour toujours par la guerre, tu es resté un homme qui rêve sa vie, un habitant de l’imaginaire.»

Dans une ville de Macau en décrépitude, où la cohabitation des deux écritures, portugaise et chinoise, forme un contrepoint aux voix discordantes de Kotter et Breughel qui s’expriment successivement sous des formes diverses, récit, rêve ou monologue, «Le port intérieur», huitième roman d’Antoine Volodine (Éditions de Minuit, 1996) prend la forme d’un millefeuille de la parole, d’une théâtre d’ombres où chaque chapitre apporte une nouvelle couche de sens, une nouvelle parole qui échappe sans cesse à la volonté de domination et d’appropriation de l’interrogateur.

Les fictions d’Antoine Volodine ne se livrent jamais complètement au lecteur, comme un univers qu’on aime passionnément, mais dont on n’atteindra jamais le cœur.
MarianneL
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le 8 août 2014

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MarianneL

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