Remonter l'allée et souffler le portique

En 180 pages, Philippe Delerm parvient à raconter la difficulté d’être soi, même quand la vie nous donne tout.

Sébastien a 45 ans, est prof de lettres dans un collège de province en Normandie. Depuis toujours il accomplit son travail sans aucun souci. Soudainement il commence à faire des crises d’angoisse. Lui vient l’idée de construire un portique dans son jardin.
C’est là l’occasion de s’interroger sur ses 2 enfants et leurs différences pour se saisir de la vie. Par un subtil effet de boomerang, Sébastien s’interroge également sur sa façon d’être au monde. Il découvre les Stoïciens, les Épicuriens et leur philosophie. Son portique construit, il lui semble indispensable de créer une allée au milieu des herbes hautes, à l’image d’un jardin anglais avec ses fleurs sauvages, dans lequel il peut laisser sa main effleurer les herbes délicates. L’image d’une ouverture sur le monde civilisé et ordonné, d’un chemin muni de rigueur, bordé d’un débordement végétal, comme des mystères dont on perçoit les contours, qu’on touche du bout des doigts, sans y plonger totalement, juste la possibilité qu’il existe autre chose, au delà de ce que l’on maîtrise.

Encore une fois, Philippe Delerm me subjugue par ce qu’il dit de la vie simple, de nos interrogations personnelles, qu’on garde pour soi et qui parfois nous ralentissent. Son personnage est loin d’être un anti-héros, il a objectivement tout pour être heureux et pourtant s’insinuent des fissures, celles qui nous obligent à ouvrir notre esprit, notre curiosité à d’autres mondes, pour à la fois sortir de soi et se compléter avec ce qui vient d’ailleurs.

J’avais déjà lu ce livre à l’adolescence, sans rien y comprendre, ou en tout cas, sans saisir le sous-texte. Il faut avoir vécu, connu des défaites et des questionnements pour être touché.e par ce roman, qui raconte la fragilité du bonheur, la fragilité de la psyché humaine, la fragilité de la vie.