La figuration du Diable dans l’art aux XVe et XVIe siècles : le sujet peut avoir quelque chose de racoleur, mais le lecteur cultivé sait qu’avec Daniel Arasse, on n’est pas sur RMC Découverte. Il apprendra aussi peut-être, grâce à la préface de Thomas Golsenne, que le Portrait du diable s’inscrit dans l’étude du « thème qui aura poursuivi, “possédé” l’historien de l’art [Daniel Arasse, donc] durant toute sa carrière », à savoir le « passage, au Quattrocento, d’une structure visuelle basée sur la memoria à une autre structure visuelle basée sur l’historia » (p. 10 de la réédition de poche chez Arkhê). Et on n’est définitivement plus sur RMC Découverte, ni même à la télévision.

Est-ce véritablement de la vulgarisation ? Difficile à dire. Le travail est poussé, et le propos se fait parfois sur un mode allusif qui ne permet pas de toujours au profane de comprendre facilement de quoi il s’agit. Peut-être cela vient-il du fait que le Portrait du Diable, avant d’être publié à part en 2010, a fait partie d’un recueil collectif (publié en 1989) sur les représentations du Diable et des monstres au Moyen Âge et à la Renaissance ; avec sa centaine de pages – format hybride, plus court qu’une monographie classique, plus long qu’un article en bonne et due forme –, difficile de ne pas devoir, parfois, se contenter d’allusions.

Cela n’empêche pas l’ouvrage d’être intéressant et instructif, dans son évocation des enjeux que pose la « transformation radicale de l’imagerie diabolique entre le XVe et le XVIe siècle : le passage de l’imagerie traditionnelle du Démon – qu’il s’agisse de Satan ou de ses innombrables satellites – à une image d’un type nouveau et inattendu, celle d’un “Diable à visage humain” » (p. 23).

De fait, le propos rejoint par intermittence celui que tenait Robert Muchembled dans Une histoire du diable – qui ne se limitait pas à l’histoire de l’art, et courait du XIIe au XXe siècles. Il est ainsi question d’un diable sécularisé et intériorisé, à mesure que s’accroît l’importance accordée à l’individu : vient le moment où « La figure du Diable n’a plus pour objet de faire horreur au spectateur dévot, mais bien de faire honneur à l’artiste qui l’a imaginée » (p. 45).

Peut-être un spécialiste de la période et du thème trouverait-il des choses à redire. Je n’en suis pas un, mais en termes de culture générale, j’ai fait mon miel de ce Portrait du Diable.

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le 13 août 2023

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