Ian Manook, l’un des pseudonymes de Patrick Manouchian, propose son nouveau roman, Le Pouilleur massacreur, un retour en arrière pendant l’année 62, avec sa jeunesse qui cherche un avenir. Une formidable immersion dans ce passé proche avec des retentissements actuels.
En janvier 1962, une femme est retrouvée morte, défigurée. Des traces de pieds attestent que la scène de crime a été dénaturée. Parallèlement, une bande évolue de petits larcins à de plus grandes bêtises par ennui, par naïveté ou tout simplement pour tenter d’exister autrement que dans une routine balisée sur le chemin de leur vie.
Sorb est le narrateur, cette sorte de transfuge de classe, qui ne s’assume pas avant qu’Annie Ernaux en illustre le concept. Lui, l’aîné, porte l’espoir de ce couple d’ouvriers qui, malgré tout, vote De Gaulle, en souvenir de la guerre. Dans la France des ratonnades, de l’OAS active, d’une police répressive qui a tous les droits, de la guerre d’Algérie finissante et du bidonville de Nanterre, il est difficile de faire confiance à cette droite réactionnaire, attachée à un monde qui explosera six ans plus tard.
Peinture réussie de la société des années 60
Mathieu Simonian, dit Sorb, est étudiant, mais pour poursuivre, arrivera-t-il à oublier le Baltimore, malgré l’espoir d’une famille à lui faire franchir la zone de la banlieue, devenu le symbole d’une volonté d’une ascension sociale. Pourtant, sa bande d’enfance évolue encore dans ce café avec son flipper et son juke-box où la seule fille du groupe, Annie, en est la groupie. L’enjeu de ce Pouilleux massacreur est dans cette traversée.
Impossible de croire que cette époque porte l’espoir d’une fin de la décennie où « l’amour pas la guerre » deviendra l’hymne de la jeunesse. Ian Manook choisit de décrire cette jeunesse désabusée (sa jeunesse,en fait) portant trop fortement les espoirs de la génération précédente dont la jeunesse fut percutée par les premiers crimes contre l’humanité.
Ce jeu, joué par des enfants, illustre bien que Sorb et sa bande veulent éloigner le moment où il leur faudra assumer leurs responsabilités. Seulement tout au long du roman, Ian Manook immisce le doute et laisse supposer que les bêtises accumulées risquent de bien trop rapidement les faire grandir du mauvais côté. L’intrigue est forte jusqu’à la fin, pour ce roman social et noir à la fois !
Ian Manook propose à travers son roman, Le Pouilleux massacreur, une illustration très juste des années 60 avec une galerie de portraits vivants. Mais, aussi, une interrogation sur le poids de ses actes et l’adolescence. Bref, un roman noir et social à la fois !
Chronique illustrée ici
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