Le Pouvoir rend-il fou ?, loin d’être un ouvrage bashing, est un livre au ton paisible et aux approches diversifiées, agréable à lire.
Erwan Deveze s’appuie sur les neurosciences pour interroger ce qui se passe dans le cerveau des dirigeants au plus haut sommet, qu’ils soient hommes politiques ou PDG. Il présente, entre autres, le pouvoir sous trois phases distinctes : La quête du pouvoir, l’exercice du pouvoir et la défaite. Autant de phases qui activent des zones différentes du cerveau et entraînent des comportements spécifiques.
Si l’auteur décrit et dénonce les abus de pouvoir, la perte de contact fréquent avec le réel, il pointe aussi du doigt la charge mentale surhumaine de nos dirigeants. Par exemple si un François Mitterrand pouvait se permettre de disparaître quelques jours de la circulation pour prendre du recul et refaire ses forces, cela devient beaucoup plus difficile aujourd’hui, notre société hypermédiatisée et connectés ne permettant que très difficilement ce recul.
L’approche non manichéenne du sujet est appréciable. Si Erwan Deveze dénonce les dérives du pouvoir, il nous interroge aussi :
Nos réactions collectives, et nos votes, en disent long sur notre étrange rapport à nos leaders et plus largement au pouvoir. Beaucoup de dirigeants politiques en France et à l’étranger se sont fait démocratiquement élire et réélire en dépit de scandales sexuels et de corruption à répétition les ayant régulièrement éclaboussés. Sans doute serions-nous bien inspirés de nous interroger en profondeur sur cette étrange fascination qu’exercent sur nous les personnes de pouvoir. Comme le souligne ironiquement le chercheur en neurosciences Sebastian Dieguez, « il faut croire que nous sommes encore des primates qui percevons quelque chose de rassurant dans l’expression de la confiance en soi et de la force. Les hommes politiques ont d’ailleurs très bien compris cela. Aujourd’hui, tous savent que ce qui compte n’est pas forcément d’avoir confiance en soi, mais de donner l’illusion de la confiance2 ». Difficile de faire l’économie de cette introspection collective et nul doute qu’il nous faudra réfléchir à notre inclinaison naturelle à admirer ce type de comportement. Nous portons, dans les dérives du pouvoir des uns et des autres, aussi notre part de responsabilité individuelle.
Abordant le sujet sous l’angle des neurosciences, de la psychologie, de l’expérience vécue, de l’équilibre de vie et à travers des portraits vivants tels que Nicolas Hulot ou Nathalie Loiseau qui a fait l’expérience cruelle de l’abîme qui existe entre la capacité de diriger et la quête du pouvoir, l’ouvrage est vivant, riche et accessible.
Le riche parcours de l’auteur donne du poids au contenu. Il a, entre autres, une expérience de 10 ans de gestion de crise acquise au sein du Comité International de la Croix-Rouge.