C'est un plaisir pour moi de lire dans un roman des analyses du monde que je partage, de voir écris ce que je pensais sans parvenir à l'énoncer, et c'est une grande force de Amin Maalouf que de savoir diffuser sa pensée aussi clairement, par la voix de ses personnages. Souvent j'ai corné les pages de ce livre en me disant que là, j'avais une pièce de réflexion à manger, quelque chose de nourrissant pour la pensée.
C'est une force, et une faiblesse aussi. Le roman part d'un très bon postulat d'anticipation, dont les racines nous sont malheureusement connues. Mais il n'exploite pas assez à mon sens les situations, les conséquences concrètes, il reste trop en retrait, dans une description presque apeurée. La faute à son personnage principal qui n'agit que peu mais observe et réfléchis beaucoup; J'aurais aimé que Amin Maalouf prenne plus souvent le point de vue de Clarence, plus souvent dans l'action et la réalité, que son mari, toujours dans l'introspection. J'aurais aimé qu'un tel sujet soit plus défloré, et pas seulement effleuré. J'aurais aimé que ce roman m'amène plus loin, plus profondément, que ce ne soit pas que des constats. Que ça se vive en un sens, avec ces fulgurances d'incertitudes et de mouvement que peuvent offrir la littérature. Amin Maalouf a les mots pour, qu'il manipule avec un génie évident ; Il avait le sujet parfait pour. Pourquoi alors est il resté sur le seuil de son histoire ? Pourquoi a t'il refusé d'y plonger ?