Clavier QWERTY : veuillez excuser l'absence d'accentuation. Les eventuelles coquilles ne seraient bien sur pas de la responsabilite du clavier.
Livre extremement court (il peut se lire en 1 heure ou moins), synthetique, net et precis a prix casse (4 euros). L'auteur Philippe Fabry souhaite clairement qu'il soit diffuse le plus largement possible.
La these est la suivante : La Cinquieme Republique ne correspond (institutionnellement pas)^ aux standards democratiques europeens et aux standards democratiques tout court. De ce fait, on assiste a un renforcement autoritaire du regime, a l'impossibilite institutionnelle d'appaiser les rapports sociaux et a un risque de revolution. Voila comment se presente la demonstration :
- Partie I : La constitution de la Cinquieme a des caracteristiques autoritaires
==> p. 12-16 : principes et caracteristiques de la démocratie parlementaire en vigueur partout ailleurs en Europe (jusqu'en Pologne) sous une forme monarchique (monarchie constitutionnelle) ou republicaine ;
==> p. 16-20 : prerogatives demesurees et irresponsabilite du president sous la Cinquieme ;
==> p.20-25 : les implications des règles électorales et le paradoxe que le suffrage direct du president conduit non pas a une avancee mais a un recul democratique ;
==> p.26-37 : le faux contre exemple constitutionnaliste américain (d'une part le modele americain a des caracteristiques de separation stricte des pouvoirs et de representation des territoires et d'autre part il tendrait lui aussi a l'autoritarisme a terme).
- Partie II : Habitus pratique constitutionnelle = culture démocratique
==> p.43-53 : le cas de la IIIeme République ou la transition vers un parlementarisme affirme base sur des principes coutumiers ;
==> p.55-63 : le cas de la Cinquieme République ou la transition vers un autoritarisme affirme ;
==> p.63-66 : la comparaison des deux regimes.
- Partie III : Nouvel Ancien Regime
==> p.71-79 : etiolement progressif de la culture democratique au cours du temps. Malgre ses deux quasi coups d'Etat constitutionnels de 1958 et 1962 De Gaulle avait un respect de l'equilibre des institutions et des libertes publiques (comme le demontre entre autres sa demission de 1969), mais 60 ans de pratique plebiscitaire a fait sauter les barrieres parlementaires autour du president. Mitterrand aurait pu etre un nouveau Jules Grevy en renoncant a sieger au Conseil des ministres (il a continue d'y sieger a partir de la cohabitation de 1986) et a son droit de dissolution (qu'il a utilise en 1988 pour avancer les elections legislatives) ;
==> p.79-99 : caractéristiques de la nouvelle culture autoritaire.
- Partie IV et Conclusion : porte de sortie par la Reforme ou la Revolution
==>p.100-112 : est évoqué la nécessité pour Fabry de revenir aux standards classiques de la democratie parlementaire (refus monocamerisme tout puissant souhaite historiquement par la gauche) et évoque comme souhaitable un "coup d'Etat parlementaire" imposant "une cage constitutionnelle" au president de la Republique.
Mon avis au sujet de ce petit opuscule : c'est une critique institutionnelle liberale bien argumentee. Et surtout qui vise a repondre a une inquietude a savoir que la Cinquieme risque d'entrainer a une revolution a court ou moyen terme. Chose importante a noter, Fabry n'est pas anti-gaulliste (ses differentes interventions publiques montrent meme plutot l'inverse et se plait a se reconnaitre dans des principes gaulliens fondamentaux comme la souverainete et le discours diplomatique equilibre). Il constate juste que De Gaulle n'a pas ete le visionnaire en matiere constitutionnelle qu'il a ete dans d'autres domaines.
Maintenant si je dois faire des remarques sur le fond en gardant pour axiomes (i) l'importance de maintenir des institutions democratiques et (ii) une analyse institutionnaliste^^ :
a] on pourrait objecter que c'est au peuple de decider l'avenir politique du pays avec une Assemblee constituante type de ce qui s'est pratique dans les annees 2000 en Amerique du Sud (Bolivie, Equateur...). Objection plutot de gauche.
b] on pourrait objecter que la Cinquieme est effectivement une monarchie presidentielle (Debray avait fixe le septennat car cela correspondait a la duree moyenne du regne des Rois de France) taillee pour quelqu'un de la stature de De Gaulle (ce que je pense) et que certains ajustements peuvent etre necessaire (instauration de prerogatives plus larges de democratie directe) sans necessairement opter pour un regime parlementaire (le ligotage du president se ferait par la democratie directe et non pas par le parlement) Objection de type gaullienne.
c] on pourrait objecter que les institutions de la Cinquieme sont vassalisees a la technocratie ou l'oligarchie bruxelloise et aux groupes de pression qui sont influents aupres de la Commission europeenne et du Parlement. Cette objection de type souverainiste (gaullienne ou non d'ailleurs, quelqu'un comme Emmanuel Todd se revendiquant souverainiste mais pas du Gaullisme par exemple) est valable (les institutions supranationales europeennees notamment non elues comme la Commission ont effectivement des prerogatives judiciaires, legislatives, normatives etc. considerables sur les Etats membres et qui ont vocation a lorgner sur leur souverainete) mais l'honnetete pousse a reconnaitre que la volonte politique des Etats membres ne compte pas totalement pour rien : par exemple le groupe de Visegrad (compose des gouvernement conservateurs notamment de Hongrie et de Pologne) s'oppose aux politiques migratoires et societales impulsees par les institutions europeennes ainsi que la gauche social-democrate danoise (sur le volet migratoire). Pour prendre un autre exemple, le gouvernement Macron n'a eu aucun souci a employer l'appareil repressif d'Etat contre les gilets jaunes puis durant la gestion sanitaire et ce largement de son propre chef, sans etre commandite par Bruxelles.
c] en extrapolant du champ purement institutionnel, on pourrait objecter que le probleme fondamental est que le pouvoir temporel ne renvoie plus a une autorite spirituelle, ce qui conduit ineluctablement a une deliquescence de la societe, pour reprendre la these de Rene Guenon dans l'ouvrage du meme nom. Objection de type Traditionnaliste. Cette objection est a la limite de l'argument anti-democratique sachant les positions radicalement anti-democratiques de Guenon lui-meme.
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^ : Petit point semantique, lorsque je parle d'institution tout au long de cette critique je parle des regles du jeu, formelles et informelles (c'est a dire incluant les us et coutumes par exemple), en l'occurence dans la sphere politique puisque c'est de cela qu'il s'agit. Lorsque Philippe Fabry parle des institutions il parle des structures et des pratiques en vigueur sous la Cinquieme. Autrement dit, ma definition des institutions inclut ce qu'il appelle culture democratique/autoritaire alors que pour Fabry la culture democratique/autoritaire decoule des institutions de la Cinquieme.
^^: Autrement dit je met de cote d'une part les arguments anti-democratiques ou pro-autoritaires et d'autre part les arguments qui depassent le cadre de l'analyse critique des institutions comme la demographie au sens large (pyramide des age, composition raciale, etc.) ou l'etat de la technologie.