C'est un récit de vie, un partage avec nous lecteurs d'une expérience de vie magnifique qui nous est proposé.


Emilie de Turckeim, Fabrice son mari et leurs deux enfants Marius et Noé ont accueilli le temps d'une grossesse, un jeune afghan de 21 ans; Reza, le tout encadré par le Samu Social.


Bravo pour le geste, une expérience enrichissante qui ouvre l'esprit et crée des liens, modifie le regard envers l'autre. Merci de la partager avec nous dans ce très joli livre.


Dans un petit appartement parisien, la famille libère une chambre pour Reza qui souhaitera qu'on l'appelle Daniel ensuite. Sous l'encadrement du Samu Social, l'idée étant de lui permettre de s'intégrer, de réussir son insertion dans notre société. Reza vient d'obtenir ses papiers , il travaille dans une crèche où il fait des ménages. Il est par ailleurs très maniaque, aime l'ordre, la propreté, cela n'a pas dû être simple pour lui dans la rue.


Reza va devoir vaincre ses PEURS constantes, l'uniforme par exemple, ou être renvoyé dans son pays. On apprendra petit à petit son histoire. Depuis qu'il a quitté son pays l'Afghanistan, dix ans se sont écoulés. Il peut enfin se poser, prendre un nouveau départ et se reconstruire.


Ce n'est pas son histoire, ni son périple qui sont mis en avant mais plutôt ce qui se passe aujourd'hui , comment s'intégrer, prendre confiance dans un pays, dans une culture et une langue si différente de la sienne.


Peurs à vaincre donc, CONFIANCE à trouver, ou celle qui lui est donnée pour qu'il se sente bien chez Emilie et les siens.


Emilie et sa famille sont très attentifs à ne pas le choquer, à ne pas commettre d'impairs, à faire en sorte qu'il se sente vraiment bien, chez lui.


Il est discret Reza, il ne veut pas faire de bruit, toujours en train de nettoyer mais comment a-t-il fait pour vivre dans la rue...


Reza s'oublie souvent au profit des autres, il est généreux, plutôt que d'économiser pour demain, il préfère acheter de la nourriture ou des tentes pour ceux qui vivent dans la rue. Il est bienveillant et veut toujours faire plaisir.


On comprend aussi grâce à ce récit la difficulté d'apprendre la langue, ne fut-ce que par la difficulté de trouver un dictionnaire adapté.


De ce beau récit je retiens principalement des mots :
"Peurs", celle de Reza mais aussi de la famille d'Emilie de mal faire, de choquer, de froisser leur hôte.
"Confiance" sans limite accordée d'entrée de jeu à Reza, une des clés sans doute de la "reconstruction".
"Pudeur" dans l'écriture d'Emilie mais aussi dans le chef de Reza.
"Solitude", "Isolement" Reza qui se sent seul dans cette situation particulière.

"Dialogue" très important qui se crée peu à peu dans le rituel de la tasse de thé, avec les enfants surtout, la clé de l'intégration, d'une compréhension mutuelle et de la découverte de l'autre.
Et enfin, "Bienveillance" l'un envers l'autre.


L'écriture est simple, sincère, ponctuée de poèmes , une des autres passions de l'auteure. Elle est sans fioriture, sobre, authentique, agréable. Avec beaucoup de pudeur et de générosité cette expérience de vie nous est partagée pour je l'espère changer la vision de certains, éveiller les consciences qu'un migrant est avant tout une personne qui à mon sens encore plus que d'autres a besoin d'attention, de bienveillance pour trouver sa place dans notre société.


On peut y contribuer si l'on change notre vision des choses.


Merci Émilie pour ce joli partage, un récit lumineux de la rentrée.


Un coup de coeur ♥


Les jolies phrases


Il sait ce que fuir veut dire. Avoir le corps pour seul abri. Avoir comme monde entier son corps.


Accueillir, c'est cuisiner. C'est acheter des légumes, les couper, les faire longuement revenir dans l'huile d'olive. Accueillir, c'est ne pas se dépêcher. Ne jamais bâcler la cuisine.


Avoir des papiers. Ne surtout pas les perdre. Veiller sur les papiers comme sur un feu qui ne doit jamais s'éteindre.


Sa joie est si réelle qu'on pourrait la toucher. Il a besoin d'entendre parler farsi comme d'un toit. Entendre enfin sa langue et y trouver refuge.


Que se passe-t-il, au fond de soi, quand on a perdu sa langue et sa famille et qu'on cherche éperdument un lieu, même étroit, même sourd, où replanter sa vie ?


Quand on fuit, il n'y a pas de fin à la fuite. La ligne d'arrivée est comme celle de l'horizon : imaginaire.


La vérité, c'est que notre confiance en lui est sans limite. La confiance est un prénom. Elle nomme celui qui en hérite.


Apprendre le français, ce n'est pas seulement apprendre des mots inconnus et une façon mystérieuse de les ordonner. Apprendre le français, c'est faire table rase. C'est l'ultime effort de renaissance après avoir dépensé toutes ses forces pour survivre à la guerre, à une décennie d'exode, au malheur sans fond d'avoir perdu toute trace de sa famille.


Le jour où quelqu'un se fait du souci pour vous, vous n'êtes plus seul.


Accueillir quelqu'un est un voyage joyeux. Être accueilli est une aventure sans repos.


La lecture est une sorte de course d'endurance : au début, c'est difficile, ennuyeux et décourageant. Et puis à force d'essayer, à force de mettre un pied devant l'autre, à force de pousser ses yeux de mot le long des lignes, quelque chose jaillit. Le monde se rue à l'intérieur de soi. Et tout apparaît. Et toutes les voix s'élèvent. Et tout palpite.


C'est guerre dans mon pays. Chez vous, c'est guerre dans la tête.


Plus je l'écoute plus je comprends qu'il en sait trop sur la souffrance humaine pour juger qui que ce soit.


Mais le plus souvent, les gens lisent parce que leur corps, dans leur jeunesse, a côtoyé des livres et des gens qui lisent.


J'ai toujours peur que ce temps partagé soit un nid fragile, posé sur la route d'un exil qui ne finira jamais. Un nid que la vie, injuste et violente, aura vite fait d'écraser.


https://nathavh49.blogspot.com/2018/09/le-prince-la-petite-tasse-emilie-de.html

NATHAVH
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le 19 sept. 2018

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