Incontournable Roman Mai 2024

Premier tome d'une série d'investigation culinaire, "Le Prince de Tokyo" nous propose un défi gastronomique au quatre coins du monde entre deux groupes de chef.fes renommé.e.s.

Léon-Paul Le Gallec-Sekongo, "Léo" pour les intimes, est le fils unique de l'un de ces duos. Son père Tristan le Gallec, grand bonhomme roux timide et doux, est un as de la pâtisserie, tandis que sa mère, Aya Sekongo, une femme à la détermination féroce et propriétaire de La Coquille, dont la réputation n'est plus à faire, vont amener leur savoir et leur fil dans le premier pays où les concurrents font halte: Le Japon. Ils s'opposent à un duo de jumelles dépareillés au génie culinaire manifeste. Pour ce premier duel, ils et elles devront faire un repas susceptible de plaire au jeune prince Kamui, qui se laisse lentement mourir de faim depuis des semaines.

J'apprécie vraiment la plume colorée et entrainante de madame Orenga, que j'avais découvert avec "Bakari Champollion, chasseur de trésor". Elle sait faire des personnages intéressants et sous sa plume, on se laisse entrainer dans on imaginaire un brin déjanté ( et un peu exagéré).

J'affectionne les romans sur le thème culinaire qui savent être créatifs. La cuisine c'est un art, après tout. La cuisine moléculaire, la culture culinaire japonaise et un certain niveau de folie alimentaire se mêlent pour nous donner l'eau à la bouche et donne envie de savoir quel plat extraordinaire feront les compétiteurs. À travers le roman, c'est aussi divers aspects du Japon qui seront mis de l'avant: les arcades, les échoppes, les sakuras ( les cerisiers qui font la fierté des japonais) et même la lutte sumo. Je dirais que ce sont des éléments qui reviennent souvent, ce ne sont pas des nouveautés pour moi, mais pour les lecteurs intermédiaire, ce le sera sans doute plus.

Léo est un personnage curieux, gentil et dynamique. Il se lie d'amitié avec la petite sœur de Kamui, Hanako, une princesse dégourdie, audacieuse, légèrement casse-cou et qui a de la suite dans les idées. Mon genre de personnage féminin, assurément, surtout quand il s'agit des filles d'homme et de femme d'état. J'apprécie la qualité de la relation entre ces deux personnages, respectueuse, teinté de plaisir et de partage. Ça fait toujours plaisir à lire, surtout entre un garçon et une fille.

Attention, il y aura des divulgâches.

Par contre, j'ai été déçue d'apprendre la source de l'absence d'appétit de Kamui. J'avais en tête des défenses sensorielles, un petit trauma, une anxiété envahissante, quelque chose de grave, parce que franchement, QUATRE semaines sans manger?? C'est majeur! Mais non, c'était juste un stupide béguin amoureux. Encore. ( Soupire). Je trouve que de manière générale, les auteurs et les autrices sont terriblement peu originaux quand vient le temps de parler du sentiment amoureux ou du béguin amoureux. On s'oriente presque toujours sur le côté somatique qui vient avec la décharge de phéromones qui engendre le coup de foudre: les papillons, le sommeil fuyant, le désordre dans la parole et bien sur, la perte d'appétit. Parce que c'est juste ça: Une perte d'appétit du à un béguin amoureux. Bref, on ne met pas l'accent sur le côté psychologique, alors qu'on insiste beaucoup trop sur les effets physiques. Pour un sentiment aussi complexe que l'amour, franchement, on a tendance à le rendre simpliste et unidimensionnel, mais bon, au moins, dieu merci, on est pas dans l'un des centaines de relations toxiques glorifiées en littérature ado, c'est toujours ça de gagner. Et reste que Léo et Hanako ont une belle amitié avec de vrais composantes psychologiques et sociales, eux.

Mention spéciale à l'Impératrice du Japon, une maman avant tout, qui était vraiment inquiète ( je la comprend, quatre semaines bon sang!), qui illustre que l'argent et le pouvoir ne peuvent pas toujours prémunir du sentiment d'impuissance.

Mention aussi à la cuisine modeste, car c'est finalement un simple dorayaki qui aura eu raison de la perte d'appétit du prince, recette de la grand-mère de Sakura, la jeune fille qui habite le cœur du prince ces derniers temps. Ça me rappelle le film "Ratatouille", de Pixar, dans lequel un plat tout simple, une ratatouille, a séduit un critique par son charme culturel et son essence nostalgique. Les souvenirs ont donc une réelle importance dans le monde culinaire, car nos souvenirs, nos émotions et nos sens se forgent ensemble, très souvent.

Enfin, j'aime que l'aspect compétitif ait cédé le pas à la collaboration, parce que soyons honnête, on souhaite juste que ce prince finisse par manger avant de finir aux urgences. D'ailleurs, pour répondre à la question de Léo, non, ne pas manger pendant quatre semaines, ce n'est pas possible.

Côté graphisme, c'est bien réussi, il y a un beau travail autours de personnages, dont je suis toujours bien heureuse de trouver de la diversité ethnique ( Léo est un beau mélange entre un papa qui a un teint vanille-rosée et une maman au teint café). Il a juste un petit soucis avec les pages 94-95, dont le milieu disparait en raison de la couture entre l'image, coupant ainsi une partie du corps d'Hanako.

Je mentionne, enfin, que ce n'est pas vraiment un roman "policier", puisqu'il n'y a pas vraiment d'indices ou de recherches véritables. On se demande ce qu'a Kamui, certes, mais les deux personnages n'en cherche pas vraiment la source, autant que se succèdent les péripéties à travers le château de l'Impératrice et Tokyo. C'est en ayant un sentiment proche du béguin pour Hanako que Léo fait le rapprochement entre son état et son soucis alimentaire, ce n'est pas le résultat d'une réelle investigation. D'ailleurs, avoir été Léo, j'aurais creusé du côté du principal concerné pour obtenir des réponses, surtout avec la sœur du concerné dans mon équipe.

Maintenant, j'observe que le deuxième tome se déroule en Turquie! Oh, alors ça c'est intéressant parce que le Japon, c'est connu grâce notamment aux mangas et aux animés qui font sensation depuis un certain temps, mais la Turquie, c'est beaucoup moins fréquent que je croise ce pays et sa culture en littérature jeunesse. J'ai bien hâte de voir sur quel défi et quels aspects culturels seront de la partie dans ce tome-là.

Deux recettes sont disponibles à la fin du roman pour les lecteurs et lectrices qui ont la fibre culinaire: le karaage, des beignets de poulet frit, ainsi que les dorayaki, ces espèces de sandwichs composé de deux crêpes et de pâtes de haricots rouges au milieu.

Une sympathique trouvaille dont je me promet de surveiller la suite. Un roman, c'est bien le cas de le dire, délicieux! Vivement la suite à Istanbul!

Pour un lectorat intermédiaire à partir du 2e cycle primaire, 8-9 ans+

Créée

le 14 mai 2024

Critique lue 9 fois

Shaynning

Écrit par

Critique lue 9 fois

Du même critique

Un palais d'épines et de roses
Shaynning
1

Glorifier la violence sexuelle par Maas

Ce roman est CLASSÉ ADULTE, ce n'est pas un roman pour jeunes adultes, encore moins pour les ados et compte tenu de la présence de relation toxique, de violence sexuelle gratuite et d'objectivisation...

le 29 mai 2020

5 j'aime

Heartstopper
Shaynning
6

Critique de Shaynning

Cette Bd, qui a un format de roman, donne le ton dès sa couverture: deux gars qui sont appelés à se rapprocher malgré des looks plutôt différents. Même les couleurs illustrent d'emblée la douceur de...

le 25 févr. 2023

4 j'aime