Le procès du Procès
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le 27 mai 2010
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Perplexe. C’et comme ça que je me sens. Troublée, bouleversée, voire même interpellée par un quelque chose dont je ne saisis le sens.
A mes yeux, ce roman a un goût aigre-doux, comment ? Il est totalement malsain, noir et angoissant. J’ai senti mon malaise s’accroître au fil des lignes. Non, dès la première, quelque chose me frappait. Une incohérence, dès la première ligne me provoquait mais en même temps me fit relire la page deux fois de suite. Je cite, « on avait sûrement calomnié Joseph K., car sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté un matin. » Je me heurtais à la première phrase, ou même au premier mot. « On », qui ça ? On ? Ou encore, « Sans avoir rien fait de mal », encore, fallait-il savoir de quel mal il était question ? Maintenant que j’y repense, j’éprouve toujours le même sentiment en parcourant cette ligne de nouveau, qui en elle-même résume assez bien la situation dont il est question.
Malaise.
Un mot pour décrire une œuvre qui m’a autant émue que dérangée, j’eus même l’impression que plus j’avançais, moins je comprenais et moins je comprenais plus je comprenais car il n’y avait justement rien à comprendre au sens brut du terme. Kafka a parfaitement réussi à me faire subir à la manière d’un châtiment tous les tourments que subissait K., je me voyais à sa place, presque « condamnée » pour un crime que je n’avais pas commise, et rien que cette idée me mettait hors de moi. Je ne sais même pas si j’ai apprécié la satire de l’auteur, ou si je l’ai totalement rejetée et détester. Ma fascination morbide me pendait sur chaque mot.
Pour ce qui est de mon interprétation, c’est assez délicat. Pourquoi ? Parce qu’il y’a mille façon d’interpréter un roman, et qu’il y’en a sûrement plus pour interpréter ce roman en particulier. Celle qui saute aux yeux, est probablement la suivante ; Joseph K. serait le prototype de l’homme innocent oppressé par une société bureaucrate où règne la dictature. Là où il va, il n’a pas le droit de poser des questions, et dès qu’il pose une question la réponse est toujours la même. Cette interprétation me semble être celle « par défaut ». D’ailleurs, elle me parait même assez « logique ». Mais pourquoi donner une interprétation aussi réductrice et évidente quand on peut en trouver tant d’autres plus profondes et significatives ?
Ce qui est intriguant avec ce roman, c’est que peu importe dans quel sens on le regarde, il nous regarde en retour, un peu comme cette « légende » tournant autour de la Joconde. Chacune des interprétations parait logique et illogique à la fois. Celle que je préfère, est par contre celle-ci ; K. serait donc un pécheur (qu’il soit « innocent » ou pas n’est pas vraiment important). La « Loi » serait donc la religion. Ce qui est pertinent dans cette interprétation est le fait qu’elle me touche directement. La réponse machinale « C’est la loi » prends ici tout son sens. Elle exprime elle-même l’existence vaine et incertaine que mène l’être humain, ici, le roman prend une dimension universelle. On ignore où on va, on ignore pourquoi ni de quoi on est condamnés, et pourtant, partout où on va on se heurte à cette « loi » dont on ne comprend rien et dont on n’est sûr de l’existence. Cette loi existe-elle réellement ? Est-elle là juste dans le but de nous « condamner » ? Dans ce cas il y’aurait un « accusé » dans chacun d’entre nous. Encore plus loin, nous sommes les accusés, mais aussi les bourreaux. Bourreaux qui comme indiqué dans le roman, ne comprennent rien non plus à cette mystérieuse « Loi ». Cette explication me satisfait et me laisse sur ma faim à la fois, car on n’obtient ici rien de nouveau, ce n’est qu’un tableau absurde et vulgaire de la vie.
Ce sentiment d’angoisse qu’on ressent tout au long de la lecture, n’est que le même sentiment qu’on ressent tout au long de notre vie à différentes intervalles. On vit un malaise, on ne sait où on va, on est condamnés par un crime qu’on ne connait pas. La réaction de K. me fait penser à celle qu’on a tous presque inconsciemment, on ne cherche plus à savoir pourquoi et on continue à vivre, en oubliant le procès…Mais on est accusés, le procès est toujours en cour, et on ne sait pas combien de jours ni combien d’années ça va durer. Peut-être bien une, ou deux…ou même à…jamais ? Jusqu’à la mort ? Cette pensée m’hérisse les poils, je ne sais que penser, cette interprétation me parait tellement logique mais en même temps brumeuse.
Tout autour de lui, tout lui rappelle son procès, tout le monde est en quelque sorte rattaché mystérieusement à la « justice ». Tout le monde est en quelque sorte impliqué. Cette pensée m’effraie un peu, mais en même temps, elle me fait penser à ce qu’écrivait Sartre « L’enfer c’est les autres ». C’est drôle, mais comme un message subliminal cette phrase me revient en mémoire.
Il y’a tellement à dire sur ce roman. Tout est tellement incohérent et évident à la fois. L’atmosphère sombre et sa noirceur nourrit mon goût pour le morbide. A la fin, je ne saurai dire si je l’ai aimé ou si je l’ai détesté. Mais je crois que je l’ai passionnément aimé, puisqu’il nourrissait mon esprit de toute sorte de question et d’hypothèses mais en même temps détesté avec ardeur car je ne saurai trouver des réponses satisfaisantes à mes questions.
Créée
le 21 sept. 2015
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