Même quand je comprends rien, j’adore Gide. Cette fois André s’offre une petite fiction fantaisiste et déconcertante, à la narration chaotique mais plus profonde qu’il n’y parait.
J’ai adoré l’incongruité de l’intrigue, ce mélange étrange de prosaïsme et de mythologique (Prométhée qui descend l’Avenue de l’Opéra pour se tailler une bavette avec Damoclès au troquet du coin, ça a vraiment de la gueule). Les chapitres très courts sont au coeur de l’action, tout est resserré sur ce trio de personnages bouffons mais touchants, qui se démènent dans un monde incompréhensible, tentant de lui donner du sens. C’est lyrique dans l’écriture et minimaliste dans la construction des personnages : on est dans la parabole sur l’angoisse existentielle, le sens que l’Homme veut absolument donner aux évènements qui surviennent.
Prométhée revêt une dimension volontariste, agent de sa destinée, j’ai adoré le retournement du mythe où l’aigle qui lui dévore le foie devient son ami, puis une forme de conscience de lui-même qu’il peut manipuler à loisir. Ou une allégorie des névroses humaines dont on peut se délivrer ? Nous cultivions nos chaînes, sûrement pas Dieu. Ce Prométhée délivré est une farce brillante, il mériterait une deuxième lecture pour cerner plus en profondeur sa portée philosophique. Une pépite !