Le septième fils nous faisait découvrir la naissance puis les premières années d'Alvin, fils d'Alvin, septième fils d'un septième fils, dans son quotidien de colon blanc dans l'est américain. Avec le Prophète rouge, second livre de les chroniques d'Alvin le faiseur, c'est dans la terre de ses habitants millénaires qu'il nous est donné de nous enfoncer.
Avec son talent de conteur exceptionnel, Orson Scott Card nous invite à passer de l'autre côté, changer de point de vue pour embrasser la vision d'un monde fait de nature, de symbiose, de musique verte. C'est ainsi qu'un rouge à whisky, comme les surnomment les blancs qui les ont corrompu avec de l'alcool, va redécouvrir son destin. Dans ce monde de conquête où chaque acre de terre est saignée par les sillons du soc tranchant de l'européen, ceux qui vivent en harmonie avec la nature se découvrent des idées de vengeance sanglante. Les passions humaines se partagent dans la terre gorgée de sang, celui des innocents comme des coupables des deux bords. L'antagonisme est posé, le fil de l'histoire peut se dévider, Alvin évoluant au milieu de ce maelstrom.
De sa plume filée de poésie, de philosophie et de mystique, l'auteur emporte son lecteur dans un monde où chaque humain possède sa part d'ombre, où les relations humaines s'avèrent criantes de vérité, où l'homme est mis à nu. De ce texte dont les implications vont droit au cœur, il ressort une fois encore que le peuple qui a conquis le monde est celui qui s'est montré le plus impitoyable, écrasant tout sur son passage.
Néanmoins, Orson Scott Card a l'habileté narrative de faire intervenir des personnages historiques majeurs en leur octroyant un destin quelque peu différent de celui qui orne les manuels d'histoire. C'est finement réalisé et octroie une profondeur supplémentaire au récit, s'il en était besoin. Car la force des écrits de ce conteur, c'est bien de pénétrer dans le cœur des hommes pour en tisser avec ce matériau émotionnel brut une trame de la plus belle couleur qui soit. La fin est à cet égard magnifique, à l'instar d'une prophétie jadis augurée...