Après avoir interprété à sa sauce les mots du fol Triboulet, Panurge se met en tête de trouver la réponse à sa question via les mots de La Dive Bouteille. Grâce à l’équipement naval de Gargantua, Panurge, Pantagruel et Frère Jean prennenet le large et naviguent à travers les longueurs océanes. Lorsque le vocabulaire marin s’immisce dans un roman, c’est toujours la galère (hilarant) pour moi, parce que j’interromps ma lecture tous les deux mots pour chercher la définition de hauban, boulines ou mât de triquet.
L’exploration prend donc la place des consultations d’oracles, mais on y retrouve toujours ces êtres loufoques qui, d’île en île, interagissent avec les héros. Avec ces avatars allégoriques sous forme de peuple autochtone, on sent que Rabelais se fout gentiment de la gueule des juristes ou autres nobles remplis de fatuité (les Chicanous qui se nourrissent de chicanes et les Andouilles qui se nourrissent de vent…)
La célèbre expression « moutons de Panurge » est d’ailleurs tirée de ce roman.
Si Le Tiers Livre était cocasse, sa suite est hilarante ! L’imagination de Rabelais est vraiment sans limite : il nous offre des paroles qui gèlent dans les airs, un combat d’andouilles, une Truie de Troie qui cache des cuistos, un combat épique contre le Physétère, un cochon géant qui largue de la moutarde, un dialogue absurde mais aussi génial que son dénouement entre Panurge et le commerçant ès moutons, ou encore la réaction épidermique du même
Panurge qui se fait littéralement caca dessus pendant une tempête.
Mélangez cette créativité géniale (et pertinente ! Toutes ces inventions étaient à dessein de se foutre de la gueule de gens) au vocabulaire fleuri de Rabelais ainsi qu’avec son aisance à rendre drôle et accrocheur tout ce qui touche au braquemard, aux couillons et au caca, et vous atteignez la jouissance esthétique !
Cet épique au service du grivois (ou l’inverse), ce ton péremptoire poir dire des sornettes, ces personnages tous ridicules et burlesques, c’est le produit d’une créativité énorme et sublimée par une plume savante et érudite. On y retrouve encore beaucoup de références culturelles. Ulysse et la Toison d’Or en ligne de mire.
Très bon ! Merci François.