Pour les services secrets français, ça ne fait pas l’ombre d’un doute : un groupuscule de terroristes islamistes projette d'enlever LA figure emblématique de la culture pop outre Atlantique, symbole vivant du talent, du raffinement et du bon goût … j’ai nommé Britney Spears ! Enfin ça, c’est la version officielle servie par la DGSE. Parce que j’ai plutôt l’impression que sa motivation cachée, en confiant au narrateur cette mission aussi foireuse qu’inintéressante, est en réalité de se débarrasser en douce de son propre agent secret, à savoir l’espion le plus incompétent et le plus pathétique que vous puissiez imaginer – on se demande d’ailleurs quelle mouche a pu un jour piquer les Renseignements français pour engager un loser aussi improbable, affligé de tares à ce point rédhibitoires. Inutile de faire durer le suspense : l’aventure ne pouvait que tourner au plus lamentable des fiascos. C’est donc d’un obscur poste frontière entre Tadjikistan et Afghanistan, où notre homme a été exilé en punition de ce pitoyable ratage, qu’il entreprend de livrer à un compagnon d’infortune le récit de son séjour californien.
Mais voilà : de même qu’il ne parvient à effectuer une filature correcte (il faut avouer qu’en bus, c’est plutôt difficile, voilà ce qui arrive quand ne sait pas conduire), ou qu’il échoue à infiltrer l’entourage de la chanteuse (il en est réduit à partir en embuscade avec des paparazzi pour obtenir quelques misérables clichés au téléobjectif), pas plus qu’il n’est capable de tenir sa langue (le voici révélant sur l’oreiller l’objet de sa mission à sa petite amie du moment), notre fureteur si peu professionnel ne brille pas, loin s’en faut, dans l’art de conter. Moi qui m’attendais à une relation caustique et désopilante des comportements du microcosme hollywoodien, j’en ai été pour mes frais : le récit m’a semblé proprement assommant, d’un hyperréalisme des plus crispants, compilant les anecdotes insignifiantes sur les excès et extravagances des stars, nous livrant dans un style particulièrement soporifique toutes les vicissitudes de leur pitoyable existence, nous faisant ingurgiter jusqu’à la nausée le détail des pérégrinations pédestres et autocaresques du narrateur, décrivant d’une manière tout encyclopédique que ne renierait pas Wikipédia le moindre quartier qu’il visite, au gré des déplacements et activités plus futiles les unes que les autres auxquelles se livrent, sous les yeux de leur fans ravis et de manière quasi pornographique, les people qu’il essaie de pister, souvent sans succès.
On pourra m’objecter que je suis passée à côté de ce roman dont le but manifeste est de montrer, au-delà des strass et des paillettes, l’envers du décor, à savoir le mal de vivre de ces célébrités à la dérive, totalement formatées pour correspondre à ce que leur public attend d’elles et qui n’ont d’autre richesse que celle de leur compte en banque (vous me direz que c’est déjà pas si mal !) Soit, mais pourquoi fallait-il que cet improbable safari au cœur de la faune des pauvres petites filles riches de L.A. soit relaté de manière aussi plate, aussi répétitive, aussi dénuée de surprise ou de rebondissements ? Ah, je les ai vues passer, les deux cent soixante-huit pages du roman (en collection Folio), j’avoue d’ailleurs avoir survolé au moins les cinquante dernières tellement ce récit me pesait ! Dommage : il n’était pas nécessaire d’adopter le degré zéro de l’écriture pour nous faire appréhender le vide vertigineux et le caractère insipide de l’existence des stars et de ceux qui les suivent.