Les lecteurs de Yoko Ogawa retrouveront dans les deux courts récits de ce recueil, la nouvelle éponyme et «Un thé qui ne refroidit pas », qui font partie des premiers publiés par l’auteur (1990-91, en français chez Actes Sud en 1998), un univers très familier, dans lequel une femme, dans une situation de changement et d’isolement momentané, fait une rencontre marquée par la mélancolie et une incertitude mystérieuse.
De ces deux nouvelles, «Un thé qui ne refroidit pas» laissera une empreinte plus durable ; ici l’objet de la mélancolie, le passage du temps et la disparition, frappent le lecteur comme une bourrasque dès la première phrase.
«Cette nuit-là, j’ai pensé pour la première fois à la mort. La nuit était froide, le vent glacial et cinglant. Jusqu’alors, je n’y avais jamais réfléchi de manière aussi méthodique.»
À l’occasion de l’enterrement d’un camarade de classe, tandis que les images frappées d’étrangeté du décès de son grand-père lui reviennent en mémoire, la narratrice rencontre un autre de ses anciens camarades, K. Alors que sa vie de couple a un goût d’inachevé, elle rend visite à K et à son épouse, un moment qui semble l’emporter hors du temps et du quotidien.
«Ce dimanche après-midi s’est déroulé sans défaut, entre le bruit des cuillères dans le thé et celui de la mousse fondant à l’intérieur de la bouche.»
Yoko Ogawa explore minutieusement comment les détails, même les plus délicats, viennent marquer nos émotions, combien l’équilibre intérieur est fragile, et peut vaciller comme une plume déplacée par la brise, et souligne cet espace, comme une brume opaque, qu’on ne peut combler entre deux individus.
Cette lecture laissera une impression sans doute imprécise, marquée par la volonté qu’on trouve chez ces femmes d’ordonner les objets et les souvenirs, alors que le passage du temps transforme les souvenirs et les rencontres en des bulles d’étrangeté qui éclatent et se dissolvent.