Ce rêve de Machiavel ressemble en fait à une longue déambulation hallucinée, hallucinante, où se mêlent toutes les peurs humaines. C'est une étonnante rencontre, que celle de la Peur et de Machiavel, ce philosophe florentin du XVI°s, qui appelait au réalisme et à affronter tous les moyens utiles à ceux qui veulent la fin...Machiavel, le machiavélique, déambule tel un fantôme, au milieu de ce mauvais rêve qui semble amasser la somme des toutes les peurs: la peste, la paranoïa, la mort, la délation, la perte de l'être aimé, la solitude, la soif...Un état proche de l'état de nature décrit par cet autre grand philosophe de la peur, anglais cette fois-ci, Thomas Hobbes.

Le pari du roman est ici le suivant; deviner qui serait Machiavel sans le nom de Machiavel. Une idée d'autant plus périlleuse que le philosophe allait donner naissance à un nom commun, le machiavélisme...
Or, qui est ce Machiavel, sans ce machiavélisme? Reste un homme seul, habité par la peur de la contagion de la peste, qui ère seul, sans but précis, et qui pourtant renoncera à son instinct pragmatique de survie (et c'est peut être là la grande pensée du philosophe: un principe de réalité dans des temps d'idéologie et de discorde) pour une femme mourante, la fille d'un alchimiste!

Roman du délire et de la fièvre, le livre de Christophe Bataille ne manque pas d'intérêt et de puissance. Ainsi nous rappelle t-il son propos: "Je prends Machiavel à ses mots. Je le prends au temps et à sa légende. J'en fais un homme (...) J'écris un roman sur la peur, la maladie, les rêves, le néant, un roman sur la pauvre science et la glorieuse astrologie; ou bien, après tout, est-ce un roman sur la nuit, sur la marche, sur les poules noires et ce diable de vinaigre".
Si en effet débarrasser Machiavel de sa légende demeure un enjeu philosophique pertinent et intéressant (il était surtout un pragmatique à une époque de superstition) on déplorera juste ce recours à la corde sensible et sentimentale, qui n'était pas essentielle à ce roman qui n'avait après tout pas besoin de sauver les bonnes moeurs pour nous montrer l'homme dans le nom.
madamedub
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le 11 mai 2011

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