Bonjour.
Certains peuples sont plus croyants que d'autres.
Au Venezuela, on croit avant tout. Ou pas. On croit en Dieu, on croit au pouvoir du sorcier, on croit à la culture, on croit au socialisme et à l'économie de marché, on croit à la révolution et à l'armée, on croit aux histoires de bonnes femmes, au féminisme comme au machisme. On croit. Et on croit surtout à la révolution, matin midi et soir, une fois par génération au minimum.
Et puis on croit à l'exagération. Marseille n'a qu'à bien se tenir. On croit à l'envolée lyrique, pour un chien, pour un chat, pour un rien ou pour un jaguar. Ça fait vivre. Il faut croire à la vie, à sa vie. Caracas ou Maracaibo, on nait tous pour un destin ou on ne naît pas. De la mendiante muette naissent des tribuns, dictateurs ou salvateurs, qu'importe, s'ils sont célèbres.
C'est fatiguant. Cette crédulité naïve en une destinée nécessairement prodigieuse pour tous et pour chacun. C'est fatiguant. À entendre, à vivre, à lire. Cette croyance moyenâgeuse décalée en un monde de pétrodollars. Merveilleux. Non, fatiguant. Comme un adulte resté en enfance qui croit chaque année encore au Père Noël.
Mais, si l'on trouve le quotidien de la civilisation européenne aujourd'hui un tantinet fade, éteint, désespérant, il est permis de prêter une oreille à ce que tente de nous dire "Le rêve du jaguar", dans toute la démesure de ses croyances, jaguar malgré tout lucide et finalement désabusé, mais jamais repu.
Lisez, lisez, il en restera toujours quelque chose.