Vous rentrez dans Le rêve du jaguar comme dans un conte mystique où Antonio, être à priori déshérité, va forger petit à petit un destin pour s’élever comme chirurgien. Sa rencontre avec Ana Rosa, première femme médecin du Vénézuéla, est à la fois une bénédiction comme le début d’une déflagration familiale où leur fille, « jaguar » conquérante va à son tour rebattre les cartes. C’est précisément avec l’arrivée de Venezuela que le roman va beaucoup plus s’ancrer dans la réalité vénézuélienne où les différents coups d’états, la modernité plus ou moins consentie et la réappropriation du sol sont des thèmes moins romanesques à défaut d’être réalistes. Même si l’écriture de Miguel Bonnefoy est d’une érudition certaine, il intervient parfois une perte de magie regrettable car la réalité n’est plus assez enjolivée pour être magnifiée. C’est le seul bémol de ce livre où le lecteur a aimé découvrir ce pays sud-américain malmené par une identité révolutionnaire qui trouve la stabilité suspecte au bout d’un certain temps. Vous aimez aussi l’analyse successive de l’enracinement et du déracinement à travers les trois générations de cette famille marqués par des choix définitifs. Miguel Bonnefoy aime aussi à décrire l’irruption de l’amour comme un moteur dans l’accomplissement humain où des raisons originelles font emprunter des chemins originaux. En tous cas, lisez Le Rêve du jaguar car vous en retirerez une matière intéressante entre son onirisme et sa réalité.