Devoir expliquer une blague, c’est chiant, non ?
Quand, au milieu de l’hilarité générale, un pisse-vinaigre vient agresser les rieurs pour leur demander de lui justifier en quoi cette blague d’humour noir est drôle, c’est chiant aussi ça, non ?
Bergson, à travers son essai, explique pourquoi.
Le rire a un effet social, il a besoin d’un écho pour vivre, voire se reproduire. Le passage le plus marquant pour moi, que j’utilise encore souvent quand un bégueule hystérique me confronte, est celui de l’insensibilité.
Si tu ressens de l’émotion (le plus souvent de la peine) vis-à-vis d’un sujet particulier, alors les blagues visant ce sujet ne te feront pas rire, car le rire fait appel à l’intelligence pure.
Pas de morale, mais juste une description du fonctionnement. Froide mais qui fonctionne.
Idem pour l’analogie de la table d’hôtes, quand on se fout de la gueule de quelqu’un, on est plusieurs hôtes réunis autour d’une table et on se poile, impitoyablement, au détriment d’une personne qui n’a pas sa place à notre table.
Ce bouquin comprend ces deux théorèmes puissants, mais aussi le très célèbre « mécanique plaqué sur du vivant ».
Un objet qui se casse la figure, c’est pas drôle, mais un homme qui se casse la figure de la même manière, ça l’est. Tous deux obéissent aux règles de la chute des corps, mais notre rire est réservé à l’homme car c’est son humanité précisément qui déroute lorsqu’on la voit choir. Cette brutale apparition des lois physiques sur un corps humain est ce qui génère le rire.
Très agréable à lire, cet essai a le mérite de nous présenter une approche originale, concernant un aspect humain millénaire et inusable, mais peu abordé. Il regorge de comparaison pertinentes et surtout, inoubliables, car on les applique très rapidement à la vie de tous les jours.